Hier soir, j’ai regardé les deux premiers épisodes de Borgen (le Château en danois, en référence au bâtiment du Parlement danois où travaille aussi le gouvernement – traduit terriblement par Une femme au pouvoir en français). Et j’y ai pris beaucoup de plaisir. Visiblement, la série est inspirée par The West Wing, une série US qui raconte la gestion du pouvoir par un président démocrate puis la campagne électorale par un candidat du même bord, mais j’ai complètement zappé cette dernière. Dans Borgen, une candidate d’un parti minoritaire centriste, Birgitte Nyborg Christensen, interprétée par Sidse Babett Knudsen, voit ses adversaires s’effondrer suite à un imbroglio scandaleux – qui n’aurait pas soulevé un tel tollé en France, rappelez-vous la carte bancaire de l’Élysée – et se retrouve en mesure de former le prochain gouvernement de coalition. Entre un ancien Premier Ministre qui célèbre l’effort individuel et collectif, un chef de l’opposition qui joue la carte du paraître et louche sur l’extrême droite, notre héroïne aura fort à faire pour s’imposer. Il semblerait que l’on reproche à la série d’être très inspirée par The West Wing (une personnalité morale incontestable avec des valeurs humanistes) mais il y a une différence énorme : ça se déroule en Europe. Et ça fait du bien de retrouver des tics, des programmes et des courants politiques plus proches de notre pays.
La série en elle-même est astucieusement construite avec un personnage central hyper sympathique – une mère de deux enfants qui prend du poids et qui refuse les compromissions – des personnages secondaires bien construits (un spin doctor ambitieux qui en prend plein la tête, une jeune journaliste vedette qui passe d’un conseiller à un autre, des adversaires politiques qui ne s’en laissent pas conter…). Je ne sais pas si c’est d’un réalisme documentaire, ça me paraît plus une excellente histoire qui aborde les rapports de force et de séduction de la politique (il faut voir la scène de nuit du canal, excellente idée scénaristique mais peut-être pas très réaliste). Ces deux premiers épisodes narrent l’arrivée au pouvoir des centristes et montre le chemin que parcourt l’héroïne pour assumer son rôle – poussée aussi bien par son entourage que par ses adversaires (il faut voir le patelin chef du parti d’extrême droite, mélange étonnant de Guy Carlier et de Jean-Marie Lepen, donnant une leçon de politique à la petite Birgitte). Et, enfin, voir deux petits partis avec à leur tête une personne issue de l’immigration est assez rafraîchissant, surtout que le personnage de femme musulmane portant le foulard n’est pas particulièrement sympathique.
Du coup, ça m’a rappelé Quai d’Orsay, l’album BD de Blain & Lanzac, dont je n’ai toujours pas lu le second tome, et je me suis demandé pourquoi j’avais pris du plaisir à Borgen et pas trop à Quai d’Orsay. Je me suis alors rendu compte que ce dernier mettait en scène un homme politique dont l’action n’avait aucune profonde incidence sur la vie nationale (puisqu’il est Ministre des Affaires Étrangères), ce qui le rendait légèrement surréaliste et qu’on se retrouvait finalement avec des personnages très enfantins. Ils n’ont pas de vie de famille ni d’amis, tels de modernes Tintin ou Spirou si ce n’est un père pour le héros – ce qui le ramène évidemment à sa condition d’enfant. J’imagine que cette absence d’enjeu national a fait beaucoup pour le succès de l’album (il n’est ni de droite ni de gauche, bien au contraire) en flattant une idée de la politique très française (?), au dessus de contingences de responsabilité sociale et économique…