Ces derniers temps, j’ai visionné deux films adaptant des personnages parmi les préférés de mon enfance : Sherlock Holmes et Arsène Lupin.
Arsène Lupin, un film bancal de Jean-Paul Salomé
Arsène Lupin est un personnage à part dans la littérature française : encore très populaire, il semble impossible de porter à l’écran correctement ses aventures – un genre de Tintin. On se souvient surtout de la série télé où il est interprété par un Georges Descrières hyper cabotin – et de la chanson de Dutronc – mais on n’y voyait que le côté léger de Lupin, toute la partie fièvreuse, amoureuse et tragique du personnage était gommée. Je n’attendais pas grand chose du film de Jean-Paul Salomé et finalement j’y ai pris un petit plaisir coupable. La bonne suprise, c’est que les costumes/décors/accessoires étaient de bon goût, la seconde surprise c’est que le film respecte en partie le roman La comtesse de Cagliostro qui voit un tout jeunot Arsène Lupin, Romain Duris un peu plus vieux, osciller entre la maléfique mais passionnée Comtesse et la belle Clarisse d’Étigues – interprétées par Kristin Scott Thomas et Eva Green – tout en courant après un fabuleux trésor. Ici le trésor est celui des Rois de France caché dans l’Aiguille Creuse comme dans le roman du même nom.
Le côté pas génial, c’est l’invention d’un papa voleur d’Arsène qui lui commande son premier vol et meurt lors d’un combat de kung fu de moines encapuchonnés (axiome : tout film français montrant des moines encapuchonnés faisant du kung fu entrent dans la catégorie navet). Enfin, il n’est pas mort le papa, il n’y a guère qu’Arsène et ses rêves récurrents qui puisse en douter. Le film est d’ailleurs rempli de scènes de combat qui ne servent à rien si ce n’est gonfler la bande annonce : Arsène se bat avec son ex-futur-beau père pour lui montrer qu’il peut faire prof de savate (ça ne sert strictement à rien par la suite), Arsène se bat avec une grosse brute horrible juste parce que le gars est jaloux, etc … Duris est un peu dépassé par le personnage qui est traité comme une espèce de marionnette transformiste : Lupin aime les déguisements et Honoré en profite pour le déguiser en dandy efféminé (inutilement) puis en femme (plus logiquement sauf que jamais le vrai Lupin n’aurait imaginé un truc aussi limite qui, à l’époque, aurait passé pour de la perversion). Il y a quelques décors complètement loupés (l’Aiguille Creuse et le laboratoire ridicule), les acteurs ont du mal à faire exister leur personnage (seule Scott Thomas insuffle une passion dévastatrice à la Cagliostro) avec une mention spéciale à Pascal Greggory qui ne réussit jamais à être inquiétant. Et à la fin, ça vire fantastique… Une espèce de curiosité pour amateurs curieux.
Sherlock Holmes, un film escroc de Guy Ritchie
Le cas Sherlock Holmes par Guy Ritchie est plus étrange puisque, après des avis plutôt mitigés en rubrique cinéma, Téléramouille lui octroie généreusement deux T (sur trois) pour cause de ”meilleur Watson de toute l’histoire du cinéma”. Et c’est là qu’on voit qu’un avis de midinette ne vaut pas grand chose d’un point de vue critique. C’est qu’ici Watson est interprété par le-beau-Jude Law et Holmes par Robert Downey Jr.
Le film est très étrange pour un fan des oeuvres de Conan Doyle : on retrouve une partie de l’univers mais passé dans une moulinette un peu hystérique. Les rapports de Holmes et Watson sont légèrement pervertis : Watson passe son temps à dire à Holmes qu’il le quitte tout en ne pouvant s’empêcher de regretter sa vie d’enquêteur (il a un rôle beaucoup plus actif que dans les nouvelles/romans) pendant que Holmes fait des pieds et des mains pour que son colocataire reste avec lui – il lui confisque son argent au motif que Watson est possédé par le démon du jeu, un trait de caractère qui est à peine abordé mais moultes fois sous entendu, ce qui est assez déroutant. Holmes lui-même subit ce même lifting : s’il joue du violon, pratique les sports de combat, tire sur les murs et s’injecte des substances, il n’a pas du tout le physique ni l’allure du personnage original. En une espèce de débraillé chic – un mélange improbable de Lord Sinclair et de clodo version Hollywood – Downey Jr est toujours à l’aise avec les personnages déjantés qui ont tout essayé (ce qui est le cas de l’acteur lui-même). Je n’étais pas allé le voir au cinéma pour cause de bande annonce qui annonçait un déluge d’action pyrotechnique ce qui n’a pas été aussi grave que je le pensais. S’il y a de nombreuses bagarres et courses, ça reste relativement sobre et même le combat final est tout à fait raisonnable.
Reste l’histoire. Ça commence assez mal : le super méchant, Lord Voldemort non Blackwood, qui fait des sacrifices de jeunes vierges de bonne famille (pas un seul sein dénudé, quel gâchis) au nom de la recherche magique, se fait choper par Holmes. Le méchant qui se retrouve en prison au bout de dix minutes de film, on se dit qu’il ne va pas faire le poids. Et c’est un peu le cas puisque le personnage n’existe pas vraiment, se contentant de prophétiser ce qui va se passer, une inversion des méchants de James Bond. On pend Lord Blackwood pour ses nombreux crimes mais c’est le Diable ! Il sort de sa tombe à la grande peur d’une espèce de club de magie local – mélange entre le Rotary et une loge de Francs Maçons – qui demande à Holmes de le rattraper. Holmes qui a lui-même d’autres problèmes puisqu’il est engagé par Irène Adler (une brillante criminelle dont il est secrètement amoureux et elle lui rend bien mais ils ne peuvent pas vivre ensemble, la vie est cruelle) pour retrouver un nain (personne de petite taille) qui travaille sur un appareil mêlant science et … magie. Enfin c’est ce que nous dit Watson, nous roulant dans la farine au grand bénéfice des scénaristes. En fait, Voldemort vise le pouvoir suprême en comptant sur la peur suscitée par ses pouvoirs étranges et surtout faire en sorte que l’Empire Britannique récupère les États-Unis – quel salaud. L’arme ultime ? La télécommande. Je n’invente rien, c’est dans le film ! Le scénario joue de manière assez maligne sur la fascination pour l’ésotérisme mais ne fait pas beaucoup mieux en résolvant l’énigme : Holmes nous assène des déductions impossible à deviner pour le spectateur qui tiennent plus de la prestidigitation que de la réflexion scientifique. D’ailleurs, cette fameuse déduction à partir d’indices, caractéristique primordiale de Holmes, est étrangement détournée : Holmes s’en sert pour la baston (idée rigolote et idiote à la fois) et pour décrédibiliser Watson aux yeux de sa future et vice-versa, ce qui se termine par un flop. De ce point de vue là, le personnage est proche d’Indiana Jones : intellectuel qui préfère l’action, il n’est pas à l’aise avec la gent féminine représentée par des filles pas hyper séduisantes, et peut se révéler ridicule à de nombreuses occasions.
Visuellement, ça tient pas mal la route avec un Londres bien rendu ‑on voit même des gamins pauvres zoner – même si les costumiers abusent trop du cuir coupe moderne. Il y a quand même des choix assez étranges – Watson en noir intégral à un repas, sa future idem pour le sortir de prison – mais évidemment le pompon étant remporté par Holmes et ses foulards vieux beau. Et le 221B est étrangement rupin.
Au final, un film relativement distrayant si on n’essaie pas de comprendre ce qui se passe réellement avec deux acteurs qui s’en tirent bien. Pendez le costumier et méfiez vous des télécommandes.
Pour causer BD, j’ai eu l’impression que la conspiration franc-maçonne du Sherlock Holmes repompait quelques éléments du ”From Hell” de Moore et Campbell (le coup des monuments londoniens qui dessinent un pentagramme ‑qui n’a d’ailleurs pas trop d’intérêt dans l’intrigue du sherlock holmes si j’ai bien tout compris)
@jérôme : je n’ai jamais réussi à lire From Hell alors je ne peux pas dire. Dans l’intrigue du film, c’est cohérent avec le concept du méchant même si ça n’a au fond pas grand intérêt.
Ah oui, je l’ai vu,le Sherlock Holmes, mais comme c’est la rentrée et que je suis fatigué, je me suis endormi devant.
Je mettrais la note deux Z, plutôt que deux T.
@Grospatapouf : je crois que ton choix est tout à fait défendable.
Je confirme. J’ai réessayé et je me suis ré-endormi. C’est un film éreintant.
@Grospatapouf : ou un excellent somnifère :-)
Ceci dit, ce film n’est pas désagréable (on s’endort très bien), c’est juste un peu bizarre de voir Holmes se battre comme un personnage de manga. Et puis, le Sherlock Holmes de Billy Wilder est indépassable.
@Grospatapouf : ah, toi tu un Wilderien. J’ai dû voir deux fois ce film et je ne sais toujours pas ce que les gens lui trouvent. Je le trouve très sympathique mais sans plus.