Je crois que c’est la première fois que je chronique ici un film français récent mais comme c’est un film de science-fiction…
Les derniers jours du monde est un film sorti en 2009 signé des frères Larrieu, connus pour leur goût pour l’amour physique et les randonnées en montagne – et c’est vérifié encore une fois. Je m’étais déplacé au cinéma pour leur dernier L’amour est un crime parfait dont la bande annonce très réussie donnait envie. J’en étais sorti plutôt content malgré une chute pas entièrement satisfaisante – et les Larrieu s’étaient débrouillés pour évacuer jusqu’à la fin un des moteurs psychologiques importants du personnage principal incarné par Mathieu Almaric, ce qui était un peu triché à mon avis.
Dans Les derniers jours du monde, on retrouve Almaric (Robinson) à Biarritz, en plein été, pendant que l’Ukraine flambe et que virus et guerre s’emparent du monde. Sauf que Robinson ne se sent pas très concerné par ce qui se passe autour de lui : il sort d’une histoire d’amour compliquée qui a débuté l’année dernière exactement au même endroit sur la plage de Biarritz.
Les deux récits vont s’entrecroiser : l’histoire d’amour avec Lae – Omahyra Mota au physique androgyne assez marquant – qui les voit voyager à travers le monde et les derniers jours du monde littéralement qui obligent Robinson à partir à la recherche de Lae à travers l’Espagne avec les moyens du bord. Il va croiser nombres de personnages qui, tous, le désirent.
Ce qu’il y a de bien avec les frères Larrieu, c’est qu’ils savent filmer. On n’a pas l’impression d’être devant un téléfilm France 3 ou Canal + (parce que, désolé les amis, mais les séries Canal sont hyper maniérées), il y a de l’espace, une lumière de rêve et des scènes extraordinaires. La belle surprise du film, c’est qu’il assume complètement la partie ”science fictionnesque”: même si Robinson tente d’échapper au chaos qui l’entoure inexorablement, il est obligé de le croiser – morts sur les routes, forces de l’ordre qui tentent de gérer la situation de crise – et c’est la première fois que je vois le matériel de l’Armée Française utilisée de manière vraiment cinématographique dans une situation contemporaine. Il y a des scènes très fortes – le lâcher de taureaux et ce qui suit, le tir de roquette, l’auberge – et toute la première partie du film est particulièrement réussie dans la description à petites touches d’un quotidien qui se déglingue peu à peu avec ces types en tenue de décontamination qui font leur prélèvement au milieu de la population qui continue de vivre comme si de rien n’était pour culminer au lâcher de taureau. Ensuite, le film devient plus chaotique, peut-être à cause du personnage de Catherine Frot qui semble un peu décalé par rapport à Robinson et ensuite Karine Viard qui fait un peu rire dans sa robe/uniforme – et oublions Sabine Azéma dans une très courte scène ridicule au point que je me demande si j’avais vraiment l’intégralité du film. Mais c’est surtout le flou narratif qui m’a perdu. Robinson se laisse porter par les rencontres et les événements et on finit par se lasser un peu d’un voyage sans véritable but sans compter le dernier chapitre qui m’a donné l’impression que mon enregistrement avait buggé et que j’avais sauté des scènes clef.
Reste une thématique très intéressante : la fin du monde vécue non pas comme une catastrophe mais comme un espace de liberté – particulièrement sexuelle dans le film – où on peut enfin se libérer des contraintes morales et sociétales. Évidemment, pour que ça fonctionne, il faut évacuer des choses et la jeunesse voire l’enfance n’est représentée que par la grande fille de Robinson qui à la bonne idée de quitter rapidement le pays en voilier dès le début. Et donc aucun bébé mort sur la route, pas de gamins errants et pleurants, de famille déchirée etc… ce qui facilite bien le message.
Autre souci pour le spectateur de 2014 : le début de la fin est marquée par la guerre en Ukraine. Ce qui dans le film est un conflit un peu lointain qui ne touche pas les personnages prend une drôle de résonance de nos jours et on peut probablement plus difficilement entrer dans le sentiment de légèreté qui porte Robinson.
Un film franchement très intéressant, avec une vraie ambition visuelle et cinématographique, qui mérite le détour même si on risque de tiquer sur certains choix narratifs. Et Almaric est très fort pour jouer l’éberlué. L’affiche est d’une laideur assez étonnante.