Le dernier Star Wars, l’événement médiatique de cette fin d’année que même le Figaro y est allé de son numéro spécial ainsi que Psychologie magazine, 60 millions de consommateurs et Le Nouveau Détective, je m’étais juré de ne pas y aller, mettant en pratique une règle de sélection simple : tout film comportant des personnages avec des capes non justifiées par l’époque historique ou les conditions climatiques est à éviter.
Je n’irai pas voir Star Wars au cinéma
Mais c’est sans compter l’entourage proche : ma chère compagne – qui croit que le petit bonhomme vert de la série s’appelle Yogi et qui n’avait pas de souvenir de combat au sabre laser – ne voulait pas passer à côté pour comprendre les conversations à table.
Un commentateur de la culture geek faisait remarquer il y a quelques temps que si les geeks croient faire partie de la Résistance, ils sont en fait devenus l’Empire. Et je suis tout à fait d’accord avec ce point de vue. Je suis assez vieux pour avoir assisté au développement de la culture geek : un goût pour les univers imaginaires (SF, fantasy, horreur, comics…) qui était en marge de la culture populaire et intellectuelle de l’époque auquel on colle un besoin de règles fortes (jeux de rôles, univers consciencieusement décrit…). Mais, de nos jours, le geek c’est monsieur tout le monde. C’est votre facteur, votre boulangère et votre petit neveu. La culture de référence, c’est la culture geek et on est loin de l’époque où il fallait avoir vu le dernier Godard ou Fellini pour briller en société. De nos jours, c’est Star Wars qu’il faut citer à table.
Je n’étais donc pas pressé d’aller voir Le retour de Force et le réveillon de cette année m’a confirmé dans ce choix. Invité à le passer dans une maison de geeks (ils n’ont pas que des inconvénients, ils aiment les jeux de société par exemple et j’adore ça), je m’attendais à des repas plein d’interjections en forme de clin d’œil (oui, ça existe), de palabres interminables sur les scènes déjà cultes de ce nouvel opus, des discussions passionnées sur des nouveaux personnages et vaisseaux et, en fait, rien. Nada. Que pouich. Les fans disaient ”ah oui, c’est génial” mais n’avaient visiblement pas particulièrement envie de développer au motif que ”mais je ne voudrai pas te spoiler”.
Une précaution que je n’aurai pas et autant vous prévenir je vais spoiler comme un gros bâtard comme on dit dans notre jargon spécialisé.
Ça commence bien
Déjà, je dois mettre au crédit du film que 1. j’ai trouvé une place de parking du premier coup 2. je n’ai pas fait la queue pour acheter les billets 3. j’ai trouvé un fauteuil pas trop mal placé.
Ça commence avec le fameux texte jaune défilant où on apprend que tout va mal, que le Nouvel Ordre menace la République et que la Résistance lutte. Rien de nouveau semble-t-il. Premières scènes : un petit robot est chargé d’un message à livrer à la Résistance. Il est recueilli dans le désert par Luke Skywalker qui… Ah zut, non, ça c’est le premier épisode (dans l’ordre chronologique, merci de ne pas m’embrouiller). Mais c’est aussi le 7° épisode ! Avec dans le rôle de la jeune personne qui aide le mignon petit robot une charmante Daisy Ridley – dans le rôle de Rey – une jeune femme qui végète sur Tatooine – ah zut, non, sur Jakku – en attente d’on ne sait quoi (à mon avis elle est la fille ou la sœur de quelqu’un d’important mais, chut, sachons garder le secret). En fait tout le film est marqué par cette impression de ”déjà vu”. Visuellement c’est plutôt réussi et moins grandiloquent/pompeux que les épisodes 4 – 5‑6 (chronologiques) mais c’est quand même la même chose. Stormtroopers, chasseurs Tie, pistolets lasers… On a l’impression que le cahier de charges a été établi par un commercial de Disney avec attaque de l’Étoile Noire, combats de sabres laser, amitié/amour entre deux personnages aux motivations différentes, cantina avec une faune exubérante, etc, etc. En fait, il n’y a aucune surprise de tout le film et vous avez l’impression étrange de visionner un remake. Si vous adorez le Beaujolais nouveau, si la sortie d’un nouvel Astérix ou Blake et Mortimer est un événement pour vous, si vous trouvez que c’était mieux avant vous allez adorer. C’est tout comme en 1977.
Je suis tombé dans un trou temporel
Et c’est là que les fans ont tout faux : ce qui faisait la beauté des films à l’époque, c’est que c’était nouveau. Les vaisseaux, les bestioles, la cantina, les combats, c’était une nouvelle forme d’aventure, la révélation d’artistes qui créaient des formes novatrices, bref, c’était la magie de la découverte (soyons honnêtes, Star Wars est très influencé par le visuel SF des années 1930 et sa modernité repose surtout sur le recyclage de choses déjà existantes). D’ailleurs, les avis positifs lus sur Le comeback de la Force sont du type ”c’est une sacrée madeleine de Proust”. Les gens sont donc contents de retrouver tout ce qu’ils ont aimé Faucon Millenium inclus. Cette immobilité – dans le design, les armes etc… – est d’autant plus étrange que notre monde a bien plus évolué. L’armement moderne, la guerre, la technologie n’a plus rien à voir avec les années 1970. Et cette absence de surprise totale joue beaucoup dans l’ennui ressenti. Quand les pilotes s’en vont attaquer la super Étoile Noire, on baille d’avance : qui peut croire qu’ils risquent d’échouer puisqu’on a déjà vu la scène (bien plus intense dans l’épisode 1 chronologique d’ailleurs). Pire, le tout fait vieillot : les pilotes sanglés dans leur X‑Wing ressemblent plus aux pilotes de la Seconde Guerre Mondiale qu’à des pilotes du futur.
Incompétence à tous les niveaux
Plus problématique à mes yeux : depuis 1977, le cinéma de SF a évolué, marqué notamment par l’esthétique Star Wars. Et l’aventure aussi à évolué. Comme dit plus haut, Lucas s’est basé sur l’aventure des années 1930 pour ses séries Star Wars et Indiana Jones. Il a déclaré qu’il cherchait une mythologie états-unienne de substitution à un moment où le genre western était moribond. Les années 30 ont été d’une richesse incroyable pour ce qui est des personnages aventureux : aventures épiques, personnages hauts en couleur, méchants très méchants, c’était un ravissement pour les enfants et les adultes de l’époque. En se ressourçant à cette âge d’or, Lucas a reboosté le récit d’aventure. Mais il serait peut-être temps de moderniser la chose.
Au bout d’un quart d’heure, j’étais déjà décroché du film. À cause du personnage de Finn. Finn (John Boyega honnête sans plus) est un Stormtrooper qui craque sur sa première descente sur le terrain et qui décide de déserter en libérant le fameux pilote Poe Dameron. Un Stormtrooper qui déserte, c’est assez étrange vu le fonctionnement de l’univers Star Wars mais, le pire, c’est la bêtise ahurissante des personnages de la Résistance face à ce cas unique : personne ne se pose la question de savoir si ça peut être un agent double. La Résistance possède les services secrets les plus incompétents de la Galaxie voire de l’Histoire de l’Humanité visiblement – ce qui explique bien des choses. Personnellement, je me suis gâché un peu la séance en guettant les signes de traîtrise qui ne sont jamais arrivés.
Autre chose bien fatigante : les combats de piou piou laser. Les militaires chargés de la formation de ces troupes d’élite ont probablement été recrutés chez les Verts – le parti écolo – parce qu’ils ont la fâcheuse habitude de se jeter sous les tirs des héros sans aucune logique militaire – oui, comme dans les Indiens des vieux westerns. C’était rigolo en 1977, ça devient très naïf de nos jours où la TNT nous abreuve de reportages sur les techniques d’interventions policières et militaires. Et ne parlons pas de l’absence totale de téléphone portable dans ce lointain futur ou de carte complète de la Galaxie (une tricherie scénaristique un peu foireuse puisque les gens se téléportent littéralement partout en un clin d’œil et que ça permet de justifier toute l’histoire).
Et, enfin, dans les choses qui fâchent, les dialogues pourris genre ”attention à leurs défenses !” en plein combat ou C‑3PO qui est le personnage le plus horripilant que j’ai vu à l’écran depuis longtemps – il se case dans les plans comme un gros lourd et n’a que des phrases débiles à dire. Je finirai avec la mort de qui vous savez qui rend Leia toute triste ainsi que son entourage… sans que l’on sache très bien qui les a prévenu ?!? Télépathie commune ?
Pour qui la bonne soupe ?
Dans les rares nouveauté que j’ai notées, il y a le fait que les sabres laser se rapprochent des baguettes magiques de Harry Potter : elles cherchent un maître qui leur conviennent – une thématique complètement absente des premiers épisodes. Et d’ailleurs le super méchant m’a furieusement fait penser à Voldemort.
Au final, j’ai l’impression que pour apprécier le film, il vaut mieux avoir dix ans (quinze ans max avec un léger retard d’apprentissage) pour le voir au premier degré et faire les piou piou avec la bouche en courant partout. Ou alors être un fan ravi de voir une histoire qui ressemble à la fanfiction qu’il avait projeté d’écrire.
Pour les autres, le film n’est supportable que grâce à Daisy Ridley qui est un mélange assez audacieux de Luke Skywalker et de Han Solo puisqu’en elle grande est la Force et qu’elle pilote comme une déesse – et hérite de dialogues bien pourris genre ”je vais inverser le bipolateur radionique pour activer le boost thermique”. Une fille qui maîtrise la haute technologie vocabulaire niveau de CM2, ça apporte un peu de fraîcheur à une série qui sert surtout à vendre de la franchise, soyons réaliste…
PS : il n’y a pas de cape et ma chérie s’est un peu ennuyée… Finalement, allez voir les Gardiens de la Galaxie si vous ne l’avez pas encore vu dans le même genre juste plus rigolo et excitant.
Votre rapport d’enquête, Maître Li-An, confirme l’impression générale que m’a laissé le bombardement d’informations (mais attention, hein, d’informations, pas de spoilers) auquel les habitants de la galaxie Far Away soumettent notre planète depuis des cycles : le soupçon qu’ils ont pensé que pour reproduire sur le public l’impact des premiers films, il suffirait qu’ils montrent les mêmes choses en changeant juste un nom et une plante verte ici et là. Et que le mot de passe de leur opération était : surtout ne pas prendre de risques !
Comme si prendre des risques n’était pas, justement, la seule solution pour faire du neuf avec du vieux !
Ils devraient pourtant le savoir, depuis le temps : on n’inverse pas un chipolateur radionique sans risquer de tout faire péter !
C’est même ça qui fait l’intérêt de la chose : ”jamais nos poursuivants n’imagineront que nous allons essayer d’activer le boost thermique si près d’un champ de météorites, il faut être un peu fou-fou pour faire ça”.
Du coup, nous nous retrouvons un peu dans la position du poursuivant qui sait que les fuyards vont activer le boost thermique à l’entrée du champ de météorites et qui n’a plus qu’à aller les attendre à la sortie. C’est frustrant.
Zut alors ! J’ai prévu de suivre la foule, et là tu m’incites à me déballonner!!! Que faire ? J’y vais, j’y vais pas?… :-/
Et encore, j’ai oublié de parler du pont où deux protagonistes se rencontrent – comment ça, ça vous rappelle quelque chose ? – ou la destruction d’une taverne pour aller récupérer le robot… en bon état. C’est sûr qu’en cassant tout, on risque de le retrouver intact.
Franchement, papy, si tu as envie de voir des pilotes de la WWII, ça me paraît un bon film :-) Faut pas se priver. Comme disent les fans : ”c’est génial !”.
Je pense que les gens qui n’ont pas touché à du Star Wars depuis quinze ans – redif à la télé, jeux vidéos etc… – seront ravis.
Ouaip!… En fait j’ai toujours eu beaucoup de mal à intégrer le pilotage surnaturel et miraculeux de chasseurs spatiaux (à défaut d’être spacieux), en radada des reliefs métalliques, et dans d’improbables couloirs meurtriers, semés de tirs lasers dissuasifs, laissant en bonne santé les supers-héros galactiques malgré tout.
J’avoue qu’un film bien tourné (sans trop de machin informatique), avec les belles vraies trapanelles de nos pilotes de 39 – 45, + un bon scénar, me fait bien plus d’effet que toute cette agitation futuriste. Mais bon, mon fiston m’a proposé de l’accompagner, pas pouvoir refuser je pense…
Si pour accompagner le fiston, il faut prendre le film avec sourire et sans se prendre la tête.
Bonne année 2016 à tous les padawans, et longue vie à ton blog.
Ma carte de vœux arrive, elle arrive.
Bonjour,
Nous sommes bien d’accord avec vous, arnaque en vue avec ce film.
D’ailleurs le retour sur expérience de notre côté est assez clair, seuls nos amis inconditionnels de Star Wars ont aimé.
Les autres n’y ont vu qu’une redite des précédents épisodes…
Et je connais même les fans. Mais c’est rigolo, vous avez un drôle de nom de domaine…
Voilà, c’est vu. C’est bien une resucée, mais bon, j’ai eu le plaisir de découvrir la jeune Daisy, et je lui souhaite une longue carrière à succés. Par contre je ne pardonnerai jamais à Disney le sort réservé à Han Solo, mince alors ! :-)
Ah toi, tu spoiles. Ça me paraît une bonne entrée en matière, moi (autant aller à fond dans les références au premier cycle).
Rétablissons la vérité historique et patronymique : Daisy Ridley BiScott Deux Réhg’Im, de son vrai nom Daisy Dratée, parce qu’elle était née dans le désert depuis trop longtemps, et en plus chez sa tante, parce que sa mère n’était pas là.
Le problème d’essayer de critiquer constructivement ce genre de flims, c’est qu’on risque de finir comme l’Odieux Connard, qui ne fait que ça de ses dix doigts, et en plus il vend un paquet de livres !
ok, je sors.
Et quand t’es dans le désert depuis très longtemps — mais j’ai loupé la référence à l’Odieux C.
https://unodieuxconnard.com
Madame est servie.
Ah oui, j’ai lu une fois un de ses billets de blog.