David Fincher est un des réalisateur états-uniens les plus intéressants à suivre du moment. Après deux films devenus cultes – Seven qui crée littéralement un sous-genre de thriller à lui tout seul et Fight Club qui divise la critique – il n’était pas facile de faire aussi bien sur la durée.
Finalement, la critique française l’a remis en odeur de sainteté avec Zodiac, thriller inspiré d’une histoire vraie, où son sens visuel et ses références hitchcockiennes servaient parfaitement un récit au long cours qu’il tenait jusqu’au bout. The Social Network, un biopic énergique sur le créateur de Facebook, lui permettait de passer définitivement dans la cour des réalisateurs qui comptent.
Avec Gone Girl, Fincher reste dans le thriller – devenu un peu sa spécialité – mais avec une thématique assez hitchcockienne (qui justifie que je le chronique ici): le mariage.
Nick (Ben Affleck tout en muscle et pas assez malin) rencontre Amy (Rosamund Pike), blonde sophistiquée qui fond au contact de son gros nounours, et c’est le grand amour et le mariage. Mais comme pour tous les couples, les premières difficultés (ils se retrouvent tous les deux au chômage en même temps) vont-t-elles cimenter leur amour ou le détruire ? Fincher donne une réponse radicale à cette question puisque Amy disparaît en laissant une mare de sang et que la police (Kim Dickens en fliquesse sobre et pas dupe) est bien obligée de penser que Nick avait tout intérêt à se débarrasser de sa femme le jour de leur anniversaire de mariage.Attention, spoiler ! – évitez de lire la suite si vous comptez voir le film.
Sauf qu’Amy n’est pas morte et que commence un second film où chacun des personnages joue sa peau. Nick est prisonnier d’un jeu de piste retors que lui a concocté Amy et doit trouver une parade. Amy découvre que la vraie vie est bien plus brutale que son petit cocon.
C’est un film qui donne un peu le vertige à la sortie de la salle. Il commence de manière très classique – le mari a‑t-il tué ou pas et comment va-t-il s’en sortir ? – et accélère petit à petit le tempo en ajoutant des couches de réflexion sur le couple et son entourage.
Comme pour tous les couples, l’entourage – et donc le public – est sommé de donner son avis et de prendre partie. Faut-il soutenir ce dadais de Nick qui regrette que maman ne soit plus là pour l’aider ? Ou cette garce d’Amy qui ne supporte pas un mari défaillant ? Il va nous falloir entendre les récits des deux protagonistes qui, comme dans la vraie vie, ne disent pas tout. Dans le film, ça se traduit par des médias hystériques – d’autant plus motivés qu’Amy a servi de modèle pour sa maman écrivain jeunesse a succès qui a bâti sa fortune sur le dos de sa fille.
Le film pose des questions vraiment dérangeantes sur le couple : pourquoi est-ce que l’on tombe amoureux ? Sur quel équilibre fonctionne la vie à deux ? Est-ce que l’amour et la vie en couple fonctionne sur la vérité ou sur les espoirs et rêves que l’on porte sur l’autre ? Et commence sur un question que tous les jeunes amoureux ont entendu ou posé : ”à quoi tu penses ?”. Parce que l’amour butte toujours sur cette ultime barrière : l’illusion de fusion est confrontée à l’étrangeté de l’autre dont on ne connaîtra jamais tout à fait les pensées intimes.
Chacun des protagonistes a un double visage – la pauvre Amy a même un triple visage avec le personnage littéraire qui l’écrase – et le film montre que ce ne sont que les deux faces d’une même personne. Et rend la chute très logique même si terrifiante à bien des égards. Parce que pour qu’un couple dure, il faut que chacun sache faire des concessions une fois la crise passée.Les personnages doubles, le danger au cœur du mariage sont des thèmes éminemment hitchcockiens et je ne vais pas m’amuser à tous les citer mais on pourra retenir qu’Amy fait penser à Vertigo en passant de la blonde platine à la fille moche et vulgaire. Et qu’il y a une scène de douche inverse à celle de Psychose. La seule vraie différence avec Hitchcock, c’est que ce sont ici les femmes qui ont le pouvoir et la force et que c’est l’homme qui est en position de faiblesse malgré ses gros muscles inutiles.
Le film est tiré du roman Les apparences de Gillian Flynn qui signe aussi le scénario. Et le seul truc sur lequel je sèche, c’est le chat. À quoi sert ce foutu chat ???
Spoilers :
Je trouve que l’idée des personnages à multiples facettes, l’équilibre dans le couple, la confrontation des points de vue etc. fonctionne très bien jusqu’à un certain point… Alors que le début laisse espérer un film assez ambigu (le spectateur peut être en empathie alternativement avec l’homme ou la femme ‑j’ai ressenti une certaine jubilation quand Amy expose son plan, et le film montre d’ailleurs le départ d’Amy comme une libération, avec des plans très lumineux alors que le reste du film est bien plus sombre), le dernier acte en rajoute et rompt l’équilibre pour tomber dans un thriller certes assez malin mais pas forcément à la hauteur de ce à quoi je m’attendais.
Comme tu as pu le lire, la fin m’a semblé assez couillue. Dans la série ”Hitchcock”, on peut remarquer que Amy s’enfuit avec l’argent comme le personnage dans Psychose pour se réfugier dans un motel où la vraie vie la rattrape.
Je l’ai justement vu ce week-end.
J’avais commencé à lire le livre mais les personnages m’ennuyaient, comme le film allait sortir, j’ai laissé tomber sans arriver jusqu’au twist. Du coup, j’ai pu pleinement savourer cet aspect du film.
Intellectuellement j’ai beaucoup aimé le côté baroque (et finalement invraisemblable) du récit, la satire de la vie de couple et de certains aspects de la vie américaine et pourtant… Je n’ai pas accroché au film. Des le début le style de Fincher, glacial, sophistiqué, m’a gêné. Je n’ai pas eu une seconde d’empathie pour le personnage de Ben Affleck, pourtant pris dans un piège quasiment kafkaïen. Sur ce plan, je pense que quelqu’un comme Polanski aurait peut être mieux fait l’affaire que Fincher. Son film me donne un peu l’impression d’etre un documentaire sur la vie de couple réalisé par un martien qui n’aurait pas tout compris à ce qu’on lui a dit.
Je ne peux pas dire que je n’ai pas aimé mais au final le film est une grosse frustration pour moi…
Tu n’es pas le seul. De nombreuses critiques négatives se sont plaintes de l’interprétation et du choix de Affleck. Mais je trouve qu’il représente assez bien le mâle américain un peu limité :-)
Je vais le voir cette semaine donc je ne lis pas ta critique, mais je me doute bien que rien n’est simple, et les apparences sont trompeuses…
Je n’ai pas lu le roman d’origine, mais je pense que de ce côté-là il n’y aura guère de surprise. L’intérêt se situe sans doute dans le ”comment” et le ”pourquoi”… ;)
Ah ben, il te reste donc à revenir dire si tu es d’accord avec moi ou pas.
Et voilà, je reviens !^^
Très bon film, qui sous ses abords de thriller glacial (c’est clairement le David Fincher de ”The social network” qu’on retrouve ici : image froide et clinique, mais un sens de la mise en scène très affuté), ”Gone girl” pose de vraies question sur le couple, le poids de la pression parentale, l’influence des médias, etc… Bien plus profond que ce que j’imaginais en y allant.
Rosamund Pike est extra, alors que Ben Affleck (à la place duquel on aurait pu attendre un acteur un peu plus expressif), en étant finalement assez monolithique, colle bien à son personnage qui subit plus qu’il n’est acteur de la situation.
Bref, une belle réalisation de plus au palmarès de David Fincher.
PS : je ne peux pas faire de comparaison avec le roman d’origine(”Les apparences” de Gillian Flynn, cette dernière étant aussi scénariste du film), je ne l’ai pas lu…
On est d’accord. Le gros intérêt du film c’est de dépasser le thriller un peu malin et de rajouter des couches.
Bonne journée ! Ceci est un chef-d’œuvre ! Vous devez voir ce film inhabituel. Fincher a fait son travail avec brio, comme toujours. Ses autres films sont excellents (à mon avis): L’Étrange Histoire de Benjamin Button, Alien³ et Les hommes qui n’aimaient pas les femmes?.
J’ai vu en effet tous ces films que j’ai apprécié. Mais veuillez éviter de poster des liens vers des sites de streaming – je vais finir par croire que vous spammez.
Je n’ai pas eu encore l’occasion de voir MindHunter. J’espère que j’aurais l’occasion (et, désolé, j’ai quelques peu modifié vos identifiants qui brillaient du feu du spam).