Bronson
Nicolas Winding Refn est le réalisateur multi-récompensé du film Drive, récompenses méritées au vu de l’influence de ce film noir qui a su mélanger romance et voitures. Je l’avais loupé au cinéma et j’avais été un peu déçu à son visionnement. J’ai trouvé la facette polar assez faible et l’histoire d’amour un peu cliché. Quand j’ai vu que Prime proposait d’autres films de Refn, la curiosité était quand même au rendez-vous.
Only God Forgives
Only God Forgives a quelque peu désorienté les fans de Drive. Si on retrouvait Ryan Gosling , le personnage qu’il interprète ici est complètement castrée par une mère destructrice qui crie à la vengeance. Dans un Bangkok poisseux, des demi-dieux s’affrontent violemment.
L’étrangeté décalée du film et sa violence graphique m’ont interpellé. J’étais mûr pour Bronson.
Le détenu le plus violent de Grande Bretagne
Michael Peterson existe vraiment. Il s’est choisi le nom de Charles Bronson et passe sa vie derrière les barreaux. Il se glorifie aussi du titre du détenu le plus dangereux de Grande Bretagne.
Il me manque toute la partie danoise de la filmographie de Refn mais il semblerait que la violence physique soit un des sujets principaux de ses films. Avec Bronson il est servi. Il le met littéralement sur scène, pitre inquiétant qui sert à un public subjugué les épisodes d’une vie placée sous la castagne. Déjà tout jeune, Bronson tapait sur ses camarades. Puis ses profs. Puis les flics et les gardiens de prison. Il a fait de ce combat incessant une raison de vivre. La prison est son vrai foyer. On dit que le cinéma aide à comprendre le monde, mais comment comprendre ce qui se passe dans la tête de Bronson ? Refn se joue de toutes nos attentes et nous présente un être humain vraiment libre, qui a littéralement choisi sa vie et comment la mener. Un artiste anarchiste total. Un film marquant.
Du coup, je me suis remis Drive et j’y ai trouvé bien plus de richesse que lors de ma première vision. Comme quoi…
The Strangers
Na Hong-jin démontre avec The Strangers, mais on a l’habitude maintenant, la qualité du cinéma sud-coréen et sa capacité à faire du spectacle avec des histoires qui sortent du l’ordinaire.
Dans un petit village de montagne, un policier un peu benêt essaie de comprendre ce qui passe dans la tête des habitants qui semblent devenir fous les uns après les autres et massacrent leurs familiers. D’autant plus que sa fille semble elle contaminée. Et si ce n’était pas le vieux Japonais caché dans les bois qui serait à l’origine du mal ?
La grande force du cinéma coréen, c’est qu’il s’en fout un peu des scénarios balisés de film de genre produits par Hollywood la Prude. Pas de héros viril, pas de musique symphonique barbante, pas de jeune fille délicate à sauver (ou de jeune fille burnée pour dégommer les horreurs). Le héros est un pauvre type méprisé par ses collègues, qui se démène comme il peut pour sauver sa fille et qui se noie petit à petit dans un cauchemar qui le dépasse. Do-Won Kwak place ses personnages dans des paysages naturels magnifiques, l’image et la mise en scène sont très soignées et le scénario vous laissera éberlué en jouant avec beaucoup de malice sur les attentes (les espoirs) du spectateur terrifié.
C’est le seul film de Na Hong-jin que je connaisse mais je suis impatient de découvrir les autres.
Ad Astra
James Gray, je le suis depuis Little Odessa (j’adore Two Lovers) mais The Lost City of Z avec sa jungle de supermarché m’avait bien refroidi. Alors un film de SF… Mais un de mes amis pas particulièrement branché SF me bassinait avec ce film. Alors quand Ad Astra a fini par atterrir à la télé, ma télécommande n’a fait qu’un tour.
Dans un futur pas si lointain, la Lune et Mars sont disputés par les grandes puissances dans une guerre froide qui ne dit pas son nom, et on fabrique des antennes habitées de plusieurs kilomètres de haut. Une série d’ondes de surcharge frappent la Terre. Elles semblent provenir de Saturne, et plus précisément du vaisseau d’exploration Lima dirigé par Clifford McBride (Tommy Lee Jones droit dans ses bottes) qui semblait perdu pour tous. Ça tombe bien, le fils de McBride (Brad Pitt) est aussi un astronaute de l’armée qui est prêt à aller à la rencontre d’un père écrasant par son absence. Même s’il faut voyager tout au bout de la galaxie.
Alors d’abord bonne surprise, puis déception. Bonne surprise parce que Gray réussit la partie visuelle du film avec des scènes d’actions assez étonnantes (quasiment au ralenti, probablement pour épouser le point de vue du héros, un personnage hyper efficace) et l’absence totale d’esbrouffe façon concept designer (tout est inspiré de l’univers de l’espace d’aujourd’hui). Et déception parce que ça me rappelle quelque peu quelque chose de déjà vu.
À mon avis, le scénariste a dû pitcher son histoire d’un « C’est Apocalypse Now dans l’espace ! ». Un militaire qui soliloque sur sa mission : ramener à la raison une légende de l’armée/la conquête spatiale ou lui régler définitivement son compte, ça ne vous dit rien ? L’attaque sur la Lune m’a fortement rappelé l’attaque sur le fleuve du film de Francis Ford Coppola et on a même toute une séquence « on a reçu un Mayday, on va se détourner pour aller voir »« À votre place je continuerai mon chemin, ma mission est prioritaire »« Vous n’êtes pas le capitaine de ce vaisseau » qui finit en catastrophe évidemment. Avec une différence de taille : Pitt ne s’enfonce pas vraiment dans les Ténèbres. Son voyage au final n’est pas plus étonnant qu’un trajet bus Bordeaux-Strasbourg. C’est long et assez monotone. On a un peu de mal à comprendre la difficulté à rejoindre le vaisseau paternel (tu prends la ligne 7 et tu y es), les explications scientifiques sont incompréhensibles et pas convaincantes. Et tout ça pour retrouver papi qui fait un caca nerveux. Et pour résoudre le problème, il n’aurait pas suffit de faire tourner cette foutue antenne (ou le vaisseau) de 45° ? Sans compter que Brad Pitt ne semble pas vraiment un super bon casting (il passe son temps à froncer les sourcils en pleurant sur lui-même).
Bon, je suis méchant mais le film se regarde quand même bien toute une partie. À vous de vous décider. Mais j’ai peur que Gray ait perdu quelques points dans mon classement des réalisateurs à suivre.
Les Olympiades
C’est bien beau le canapé mais le grand écran c’est une autre émotion – quand ça fonctionne. Je suis donc allé zieuter le dernier opus de mon metteur français préféré mais en serrant un peu les fesses. Les frères Sister avait été une sacrée déception et Jacques Audiard semble en avoir tiré les conclusions en proposant un film beaucoup plus modeste au niveau budget, un film en noir et blanc qui se déroule dans le quartier des Olympiades, Paris XIIIème.
On y suit les pérégrinations de trois jeunes adultes qui se croisent, s’aiment, se repoussent. Fidèle à ses convictions, Audiard montre la France qu’il croise dans la rue et le trio ne fait pas tout à fait Nouvelle Vague. Un Black qui prépare l’agreg de Lettres Modernes, une Asiate qui a plaqué Science Po pour des petits boulots, une provinciale qui vient chercher une nouvelle vie à Paris. Chacun est très éloigné des clichés habituels grâce notamment à des acteurs séduisants qui font vite oublier les cases pour imposer une vie frémissante à l’écran. Il faut dire que le film pose la question assez cruciale pour les jeunes couples modernes : est-ce que l’on va se plaire après avoir fait l’amour ? Je ne sais plus qui trouvait qu’il manquait une information cruciale dans les films qui racontaient une histoire d’amour : comment ça se passe au lit ? Dans Les Olympiades, on sait parfaitement ce que les personnages attendent de l’amour physique. Il leur reste à maîtriser les sentiments. Le film propose des réponses avec délicatesse et émotion pas bidon.
À noter la prestation appréciable de Jenny Beth, chanteuse et présentatrice télé, dans un rôle gonflé.
La trilogie Pusher du Refn première manière est éprouvante mais vivifiante en tant qu’objet cinématographique. Dans son parcours récent, je le trouve parti vers un esthétisme mortifère et stérile (The Neon Demon, Too Old to Die Young)
Il a beau être dyslexique et daltonien, ça n’excuse pas tout. David Byrne est bien autiste Asperger, il ne sombre pas pour autant dans un nihilisme glacé.
Les deux premiers films de Na Hong-jin sont moins originaux que The Strangers, s’inscrivant plus dans un cinéma de genre sauce piquante, mais sont très distrayants.
Je vais quand même tenter Neon Demon. Ce n’est pas l’esthétisme qui me fait peur.
Faudra pas venir couiner après que c’est creux et que j’ai essayé d’empêcher Refn de te voler deux heures de ta vie.
Quand ça ne me plaît pas, je zappe. Je ne me casse plus la tête.
The Strangers m’a fait froid dans le dos, par moments (et pourtant je suis aussi sérieusement burné que Bronson, comme quoi le Coréen est vraiment fort).
En général, les films horrifiques d’aujourd’hui jouent sur des codes qu’il est facile de décrypter. Lorsque le réalisateur joue avec les attentes du spectateur, il est difficile de ne pas se faire piéger.