L’illusionniste de Sylvain Chomet
Comme j’expliquais un jour à M. Goossens (se la pète, se la pète), je suis assez imperméable au cinéma de Jacques Tati. Cet humour soigneusement construit aux personnages borgorythmeux me met plus mal à l’aise qu’autre chose – ce qui est peut-être le but recherché après tout – et son univers ne me fascine pas (les personnages semblent être les marionnettes d’un démiurge malveillant). Ce qui une sorte de crime de lèse-majesté au pays du cinéphile où le triumvirat Renoir/Demy/Tati est la base du bon goût.
En découvrant que le nouveau film d’animation de Sylvain Chomet était tiré d’un scénario inédit offert par la fille du grand homme à Chomet, j’ai hésité et, finalement, j’ai loupé la sortie. Un passage à la télé m’offrait une seconde chance mais, même là, j’ai laissé traîner le film sur mon disque dur de long mois…
Un magicien en Écosse
Un prestidigitateur de music-hall de la fin des années 50 est confronté à la fin d’une époque – et l’arrivée du rock’n roll – et s’exile à Londres sans plus de succès. Engagé pour une représentation dans un tout petit village écossais pour fêter l’arrivée de l’électricité, il fascine une jeune adolescente fille de salle qui le prend pour un vrai magicien. Elle décide de le suivre à Edimbourg où il est obligé de prendre des petits boulots pour lui offrir les choses dont elle rêve. Finalement, elle rencontre un jeune homme dont elle tombe amoureux et l’illusionniste repart solitaire.
L’histoire est assez étrange et difficile à conseiller à un enfant à mon avis. Si elle démarre de manière dynamique avec les scènes de music-hall, tout un univers plein de personnages excentriques – une superbe chanteuse toute maigre – et un lapin blanc particulièrement agité et rétif, la fin est désenchantée avec des artistes qui se laissent sombrer avec la fin de leur univers.
Plus étrange, la relation entre le magicien et la jeune fille est difficile à appréhender puisqu’elle est basée sur un malentendu. Peu de choses dans le film montrent ce que la demoiselle apporte vraiment à l’homme mûr et son innocence un peu futile- elle rêve de ressembler à une gravure de mode – ne la rend pas vraiment sympathique.
Je n’ai pas vraiment retrouvé l’humour de Tati – j’imagine que Chomet a beaucoup tiré vers lui – à part une scène de lavage de voiture qui tourne mal. Mais du coup, j’ai beaucoup aimé l’ensemble dans son ensemble. Chomet qui a monté un studio en Écosse en tire des décors magnifiques et les personnages comme les intérieurs sont très réussis – ça m’a rappelé les 101 dalmatiens de Disney. On retrouve la méticulosité de Chomet pour une esthétique années 50 populaire pas vraiment raccord avec les obsessions de Tati lui-même. S’il existait un livre sur le film, j’investirai immédiatement. C’est donc un incontournable pour les amateurs d’animation – mais j’imagine que tous mes visiteurs l’ont déjà vu.
Je terminerai en râlant contre l’affiche qui doit être une des raisons pour lesquelles ne j’ai pas eu le courage de me déplacer au cinéma – et les véhicules en 3D se voient un peu trop quelque fois…
Polémique
En faisant des recherches sur le film, je suis tombé sur une polémique familiale qui m’a permis de découvrir une partie de la vraie personnalité de Tati. Le scénario est présenté régulièrement comme une espèce de lettre à sa première fille que Tati a abandonnée sur les conseils de sa sœur, née de la relation avec une émigrée autrichienne qui présentait le numéro de Tati au Lido pendant l’Occupation. La troupe du Lido, écœurée par son comportement le met à la porte – il ira se produire un temps à Berlin.
À la sortie du film, la famille de la fille abandonnée a dénoncé une réécriture du script qu’elle juge trop complaisante. Chomet considère que le scénario est plutôt un hommage à la fille ”officielle” de Tati. Rappelons au passage que la sortie des Triplettes de Belleville avait déjà donné lieu à une polémique puisque De Crécy avait intenté un procès à Chomet à cette occasion.
Bonus
Chomet a réalisé un gag de canapé pour les Simpsons. Très french clin d’œil.
Moi itou je suis assez rétif à l’humour tatiesque. A part peut-être ”Les Vacances de Mr Hulot”.
De Chomet, je préfère tout de même ”Les Triplettes de Belleville” à celui-ci.
A.C.
Les vacances… est plein de personnages délicieux qui font passer la pilule. Il faudrait que je revoie Les Triplettes….