Mise à jour septembre 2024 : j’ai pu voir la version BBC de la série Utopia, je complète le billet.
Utopia, une série de Gillian Flynn
En baguenaudant sur le Net, j’ai lu du bien de la musique que Cristobal Tapia De Veer a écrite pour la série anxiogène The Third Day (pas vue). En navigant sur ses œuvres, j’ai accroché tout de suite sur son travail pour la série Utopia. Qui, comme par hasard – mais est-ce vraiment un hasard ? – débarquait sur Amazon Prime.
Dystopia est un comics marquant qui raconte la lutte de Jessica Hyde, fille d’un génial virologue, contre une organisation secrète qui utilise les recherches de son père pour de sombres objectifs. Le fan club attendait une éventuelle suite, intitulée Utopia, sans plus trop y croire, jusqu’à ce que les planches originales soient découvertes par hasard. Parmi les amateurs, un groupe d’amis de forum qui considèrent que Dystopia a annoncé à l’avance toutes les épidémies infectieuses via des indices cachées dans les pages. Mettre la main sur Utopia va permettre de prévenir les futurs risques épidémiques (et résoudre certains problèmes personnels). Sauf que des tueurs débarquent avec deux questions : « Où est Utopia ?» « Où est Jessica Hyde ? ».
Si comme moi vous êtes un peu gavé des séries « C’est génial mais surtout dans la saison 3, c’est vrai qu’au début ça commence moyen », Utopia va vous plaire : elle démarre à un train d’enfer et ne ralentit que vers la fin. Très visuelle, très violente (tout le monde peut mourir), elle joue la carte complotiste à fond. Sur la base des virus ? Ouch. Car autant prévenir tout de suite : visionner cette série en plein confinement après avoir jeté un coup d’œil sur la petite crotte Hold Up risque de vous mettre bien mal à l’aise puisqu’elle reprend des thématiques un peu trop au goût du jour. Et si la série avait prévu la Covid 19 ?
On me cache tout
Mais…Que…Stop ! Il y a quelque chose qui ne va pas là. Où est la musique de Cristobal Tapia De Veer ? Pourquoi a‑t-il écrit la partition pour deux saisons alors qu’on en est qu’à la première ? Qui est derrière tout ça ?
Évidemment, encore un coup de la perfide Albion. Car Utopia est d’abord une série britannique qui s’est arrêtée net au bout de deux saisons sans résoudre les questions posées. Une série visiblement culte car les fans de base ont hué la version Amazon accusée de sombrer dans l’Hollywoodien action/parano alors que l’originale est semble-t-il plus ambitieuse sur la forme. D’ailleurs impossible de trouver en France les DVD de cette version et ça ne passe pour l’instant que sur Amazon Prime… US.
Le rêve dans le dessin
Pas sûr pourtant que j’accroche aussi bien à la version UK qu’à cette nouvelle mouture. Et ce pour une bonne raison : les dessins sont réellement au centre de l’intrigue dans la version US. Réalisés par João Ruas, le second dessinateur des couvertures du comics Fable, ils jouent sur la complexité, le symbolisme lourdingue et les indices cachés dans le détail. La quête des héros perdus dans des images très oniriques n’est pas sans me rappeler les rêves récurrents que j’ai de découverte de BD et d’illustrations dans des boutiques sombres. Un aspect qui n’existe pas dans la version première où les images signées Paul Miller n’ont pas la même force visuelle – voir la galerie https://www.behance.net/gallery/11674793/UTOPIA. Rien que pour cette approche, la série US mérite le détour.
Version Paul Miller
Version João Ruas
De d’autre côté de la Manche
Arte.tv passe la version originale britannique de la série jusqu’au 31 octobre 2024. L’occasion de vérifier si les fans ont raison de crier au génie et cracher sur la version Amazon Prime.
Ben en fait, ils n’ont pas vraiment tort.
Les premiers épisodes de la version signée Dennis Kelly m’ont un peu fait hésiter. On retrouve la même trame, les mêmes personnages et je considère que le début de la version US est plus intéressante. La série s’est arrêté suite aux protestations face à la violence représentée – même si elle n’est jamais frontale et la mise en forme joue l’outrance pour éviter le réalisme pur – mais la séquence de l’école a failli me faire abandonner (et il est difficile de la recommander pour cette même raison).
Mais, petit à petit, la sauce a pris. Pour une raison très simple : les personnages et leurs relations sont beaucoup plus complexes que dans la version US. L’exemple le plus criant, ce sont les deux enfants. Le point de départ de l’histoire, ce sont de fans du comics qui se rassemblent autour des planches originales de la suite de leur histoire fétiche. Et, à leur grande surprise , un des fans n’est pas le trader à décapotable et call girls qu’il a prétendu être sur le Web, mais un gamin déscolarisé avec une mère aux abonnés absentes. Une fille du même âge rejoint bientôt la bande. Dans la série US, ces gamins ne m’ont pas marqué. Ils sont un peu à la remorque des adultes. Dans la série british, ils ont une importance cruciale car ce n’est pas l’histoire d’un complot à base de virus qui nous est raconté, mais la souffrance infligé aux enfants par les adultes et, en retour, la recherche d’un père, d’une mère absente. Et du coup, cette scène qui m’avait choqué et qui m’a semblé sur le coup un peu gratuite, se révèle au contraire très pertinente par rapport aux enjeux du scénario. Je rajouterai les deux personnages miroirs : Jessica Hyde (la guerrière dans la version US et un personnage effrayant dans la version BBC) et le tueur qui va peu à peu révéler son humanité perdue.
C’est le vainqueur qui écrit l’Histoire
À ma grande surprise, la première saison british s’arrête (quasiment) au même endroit que la version Prime (j’avais imaginé que cette dernière reprenait l’ensemble de l’histoire). La seconde saison BBC est peut-être encore plus forte.
Attention, divulgâchage
Flash-back. Et si on racontait comment tout à réellement commencé, comment deux jeunes gens très intelligents ont décidé de sauver le monde, comment leur histoire d’amour a amené aux cauchemars vécus dans la première saison ? Cette approche culottée qui montre les « méchants » comme de vrais personnages héroïques dans le sens purement mythologique du terme m’a scié. En face, la petite bande qui les affrontent est miné par des faiblesses très humaines : peur, lâcheté, trahison, doutes. Un démontage culotté du mythe du héros dans la tradition états-unienne. Je ne sais pas si je mets Utopia BBC dans la liste de mes séries préférées, mais c’est clairement une des séries les plus marquantes que j’ai jamais visionnées. Mais il faut supporter un humour très noir, ce n’est clairement pas pour tous les publics.
Ces deux saisons sont visibles sur Arte.tv jusqu’à fin octobre 2024 https://www.arte.tv/fr/videos/RC-023747/utopia/.
La musique par qui tout est arrivé
Comancheria, un film texan de David Mackenzie
Un petit mot rapide sur Comancheria (Hell or High Water, pour une fois le titre français est intéressant) de David Mackenzie, un petit film noir ironique et dépaysant. Deux frangins sans un sou partent à l’assaut des petites banques de leur région perdue du Texas pour sauver leur héritage familial. Ils sont mollement coursés par deux Texas Rangers dont un Jeff Bridges qui a dépassé l’âge de la retraite (excellent au demeurant). Les personnages secondaires sont aux petits oignons, l’humour est omniprésent façon frères Coen sans la noirceur de ces derniers et le Texas dépeint sort des sentiers battus. Je vous mets la bande annonce qui se la pète hyper sérieuse.
Tu me donnerais presque envie de jeter un œil à la version américaine d’Utopia !
Je crois que Comancheria m’attire plus en fait.
Il y a des lapins blancs, je confirme. D’un point de vue purement cinéphilique, Comancheria est plus intéressant, sans conteste.
La série UK est bien meilleure.
Par contre traiter de petite crotte, le reportage hold UP vous rassure, car vous avez certainement fait vos 5 doses de poudre de perlimpinpin.
Chacun ses vessies, chacun ses lanternes.
Tu me donnerais presque envie de re-re-re-re-regarder la version originale d’Utopia !
Même si Paul Miller n’est pas Bill Sienkiewicz.
Je vais commander les Bluray en Allemagne si ça continue :-)
Ah. Si j’ai suivi, la version US exige qu’on fasse un détour par les États-Unis, et la version UK mérite qu’on en écoute la BO dans son fauteuil ? Quel dilemme pour les aventuriers en chambre.
Rabattez-vous sur Comancheria :-)
c’est d’autant plus malin de se rabattre sur les indiens tant qu’y en a, que j’ai bien cru que les versions bootleg de Utopia UK avaient entièrement disparu du darkweb.
Mais ça eut trop senti la grosse conspiration qui schmoute.
Laissons ça à ceux qui croivent, alors que nous, nous sachons.
Comme ce patient hospitalisé en soins intensifs qui dit à une infirmière texane que le virus est une « fake news ».
Comancheria est scénarisé par Taylor Sheridan, qui passa l’année d’après à la réalisation, avec Wind River, de très honnête facture.
Il serialise aussi Yellowstone, soap opera de parc national, c’est plus délayé que ses films, mais les amateurs confinés de grands espaces y trouvent leur compte.
Ce Texan aura fait beaucoup de mal aux complotistes. Sheridan est aussi au scénario de l’excellent Sicario de Villeneuve.
”Utopia” vient d’être annulée, il n’y aura pas de deuxième saison de cette version américaine.
Du coup ça fait toujours une de moins que l’originale british (bien dispo en dvd français d’ailleurs : https://www.amazon.fr/Utopia-Saisons-1-Neil-Maskell/dp/B00LU4TB2S/ )
Oui mais ils avaient fait les deux saisons en une il me semble. Je pense que le sujet a dû refroidir méchamment les décideurs. Ce qui prouve qu’il y a des sujets sensibles.
Pour le lien, il y a – évidemment parce que j’avais déjà checké — marqué indisponible :-) Comme je l’ai dit on ne le trouve en français qu’à un tarif surréaliste.
Ah bah quand j’ai écrit mon message il y avait un exemplaire de dispo à 25 euros environ. Peut-être qu’il faut surveiller la page toutes les 5 minutes et bondir comme le guépard dès qu’un coffret pointe sa truffe :D
J’hésite en fait à commander la version BluRay allemande. Mais il faudrait un petit prix. Je vais toujours mettre des alertes, on verra bien.