Le conte de la princesse Kaguya, un magnifique film d’animation de Isao Takahata

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Dernier film du réali­sa­teur Isao Takaha­ta (Le tombeau des lucioles, Mes voisins les Yamada…), Le conte de la princesse Kaguya est tiré d’un conte populaire japonais Le conte du coupeur de bambou.
Un coupeur de bambou découvre dans la forêt une minus­cule princesse. Une fois ramenée chez lui, elle se trans­forme en un bébé à la crois­sance parti­cu­lière que les enfants surnomment ”Pousse de bambou”. Le coupeur de bambou persua­dé d’avoir adopté une vraie princesse se met en tête de lui offrir la vie qu’elle mérite. La jeune fille doit abandon­ner ses amis et la forêt pour une vie aux règles qui la dépasse.

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On ne va pas finas­ser, c’est un très beau film. Le travail graphique, proche du pinceau et aux couleurs aquarelles rappellent dans sa philo­so­phie les Yamada, en plus élabo­ré. La nature est pleine de vie, les enfants sont extra­or­di­naires d’éner­gie et ont un côté frondeur et brut qu’on ne rencontre plus guère à une époque où leur emploi du temps est soigneu­se­ment construit par les parents.
Je recon­nais que j’y suis allé un peu inquiet : j’avais peur d’un conte tradi­tion­nel un peu pesant et très esthé­tique et en fait, Takaha­ta évite ces travers grâce aux person­nages très simples visuel­le­ment mais qu’il rend très vivants.

De manière assez étonnante – enfin pour moi – on peut recon­naître des thèmes déjà abordés dans les films de Miyaza­ki. Le bébé adopté à la crois­sance intri­gante rappelle fort Ponyo et – comme pour le petit poisson – la princesse Kaguya s’accroche de toutes ses forces à la Terre et à son humani­té. Comme dans Le vent se lève, un soin parti­cu­lier a été porté aux gestes quoti­diens de l’époque – tissage, maquillage, fabri­ca­tion de bols – un magni­fique témoi­gnage de recons­ti­tu­tion qui est tout aussi fasci­nant que le meilleur effet spécial. Enfin, la scène très étrange où la princesse est impuis­sante devant la souffrance de son ancien ami rappelle l’impuis­sance du person­nage du Vent se lève confron­té à des enfants pauvres qu’il ne peut pas aider. Un peu comme si les studios Ghibli se déses­pé­raient de vivre une belle aventure artis­tique qui les empêche de se confron­ter à la réali­té des gens. Des regrets qui leur font honneur.

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On pourra regret­ter la longueur – 2h17 – qui risque d’épui­ser les plus jeunes. Diffi­cile de voir où il aurait fallut couper même si je trouve toujours un peu longues les scènes d’inter­ven­tion divine – Mononoke, Ponyo – sans savoir si c’est mon côté carté­sien qui s’agace. Mais au final, le travail artis­tique, telle­ment éloigné des poncifs actuels, apporte une finesse, une intel­li­gence et une subti­li­té rafraîchissantes.

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12 commentaires

  1. Je suis impatient de le découvrir.
    Récem­ment, j’ai vu un film de Sunao Katabu­chi, un ancien de chez Ghibli : Mai Mai Miracle, qui essayait de mixer toutes les bonnes choses dont les fameux studios ont fait un usage si avisé dans leurs meilleurs films : retour sur le Japon des années 50, plus évoca­tion de la vie quoti­dienne dans le Japon médié­val, plus colli­sion entre le monde des enfants et le monde des adultes… et (malgré de belles images), la recette ne prenait pas, la mousse montait puis retom­bait, il manquait peut-être le fameux ingré­dient secret?…
    Princesse Kaguya a l’air plus homogène, les bandes-annonces donnent bien envie !

    • C’est vrai qu’il semble plus compli­qué de réussir un scéna­rio de film d’ani­ma­tion que de film tout court. Aucun problème pour ce Princesse Kaguya qui fonctionne parfaitement.

  2. ” Comme dans Le vent se lève, un soin parti­cu­lier a été porté aux gestes quoti­diens de l’époque – tissage, maquillage, fabri­ca­tion de bols – un magni­fique témoi­gnage de recons­ti­tu­tion qui est tout aussi fasci­nant que le meilleur effet spécial.”
    Entre le tombeau des lucioles et Pompo­ko, Takaha­ta a toujours été porté sur l’His­toire du japon (par des biais diffé­rents) et l’aus­cul­ta­tion des traditions.

    (pareil sur la confron­ta­tion aux enfants pauvres, ça peut rappe­ler Le tombeau des lucioles plus que Le vent se lève)

    (en fait j’ai surtout l’impres­sion d’avoir vu un film somme de l’oeuvre de Takahata)

    • Très bonnes remarques. Mais comme je n’ai vu qu’une fois le Tombeau, je n’ai pas su m’y référer.

  3. Ah oui, c’est le réali­sa­teur du ”Tombeau des lucioles” ? Il n’en faut pas plus pour que ça me donne envie de le voir ! Ce film est un chef d’oeuvre que je ne cesse de ”vendre” à ceux qui disent que les dessins animés c’est fait pour les enfants. En fait je le vends même à tout le monde !
    Par contre il va falloir un peu chercher, car sa distri­bu­tion laisse à désirer…

  4. Je l’ai vu à Cannes et malgré le côté ”conte pour enfants” j’en garde surtout le souve­nir d’un film couillu, dans le sens radical et intran­si­geant. Il y a pas mal de tours de force, je pense au passage très graphique où la princesse s’enfuit par exemple, ou bien la fin qui est tout sauf conven­tion­nelle… (la seule chose qui m’a gêné et que j’ai trouvée un peu ratée c’est le design de la princesse, je n’aime pas trop sa tête un peu trop stéréo­ty­pée ”manga” – je trouve que ça tranche avec le style du film)

    Et sinon, j’ai une petite anecdote sur Takaha­ta et Miyaza­ki qui m’a été racon­tée de première main par une amie. Il y a quelques années, ils ont été invités tous les deux en France dans un festi­val où était proje­té Le Roi et l’oiseau. Les deux japonais sont des fans absolus de Grimault (et Takaha­ta est même un spécia­liste de Prévert). Ils ont deman­dé si ils pouvaient avoir accès à une salle proje­tant le film pendant leur dernière nuit avant de repar­tir (je suppose que le film n’exis­tait pas en vhs), ce qui leur a été accor­dé, et ils ont donc passé toute la nuit enfer­més dans une salle de projec­tion, à prendre des notes graphiques sur les mouve­ments, les effets, les images. C’est une toute petite anecdote, mais j’aime beaucoup imagi­ner ces deux là en train de dessi­ner dans le noir devant le film de Grimault.

    • Très jolie anecdote en effet – qui montre qu’ils ont très bon goût :-)

      C’est vrai que la Princesse a un visage assez passe partout mais elle est d’ori­gine divine et chez Ghibli, les person­nages divins d’appa­rence humaine sont toujours très stylisés.

      Quant à la fin, il me semble que c’est la fin officielle du conte et donc, du coup, ça respecte la conven­tion :-) À moins que vous ne parliez des fins ”disneyiennes”.

      • Bizar­re­ment, j’ai appris que La bergère et le ramoneur (la version ”incom­plète” du film de Grimault) avait plus la cote chez les japonais que le Roi et l’oiseau. Takaha­ta a dit lui-même qu’il préfé­rait La bergère et le ramoneur même s’il avait appris à aimer Le roi et l’oiseau et qu’il était un des défen­seurs du film au Japon.

        • Je ne crois pas avoir vu La bergère et le ramoneur. Je ne peux donc pas commen­ter les goûts de Takaha­ta.

        • Le roi et l’oiseau est supérieur à La Bergère par son montage, plus conforme aux inten­tions initiales de Grimault, mais il faut avouer que les séquences addition­nelles réali­sées 25 ans après, avec une autre équipe, un autre matériel etc, ont un style si diffé­rent de l’ani­ma­tion origi­nale que parfois ça casse un peu l’ambiance. Je suppose que ça gêne un peu les japonais, puristes en tout.

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