Dans le documentaire consacré à Lemmy Kilmister récemment diffusé sur Arte, ce dernier déclare qu’entre les Beatles et les Stones il n’y a pas photo, le meilleur groupe rock ce sont les Beatles, de vrais fils de prolos, pas comme ces tantouzes de Stones qui ont fait des écoles d’Art. Et je l’aime bien Lemmy rien que pour ça…
Je suis allé voir L’écume des jours, l’adaptation cinématographique du célèbre roman de Boris Vian par Michel Gondry. La pléthore de stars françaises et l’idée d’une adaptation ne m’ont pas convaincu sur le moment et il a fallut toute la fougue impulsive de ma chérie pour que je me bouge. Et je la remercie pour cela.
Je n’ai pas lu le roman mais j’en savais assez pour savoir à quoi m’attendre : des jeux de mots à n’en plus finir, des délires littéraires alambiqués et une histoire triste. Après un quart d’heure un peu trop riche en gagdets et idées visuelles rigolotes et un peu gratuites, j’ai cru que j’allais attraper un mal de crâne mais tout doucement, l’univers se met en place, ce qui parait saugrenu et tarabiscoté prend du sens et apporte sa touche d’émotion dans l’histoire. Rappelons la rapidement : Colin, jeune homme célibataire et plein d’argent à la recherche de l’âme soeur, rencontre Chloé. Ils tombent amoureux. Mais Cloé a attrapé un nénuphar dans son poumon gauche et se meurt. Colin doit se résigner à travailler pour faire soigner son amour. Chloé c’est Audrey Tautou et Colin Romain Duris. Et ils sont formidables, particulièrement Tautou qui est toute légère – la scène où elle raconte une histoire drôle est juste incroyable de vivacité en dix secondes. Et je ne parle pas des ”seconds rôles”, jeunes acteurs lumineux ou star qui se fondent dans leur personnage – mention spéciale à Gad Elmaleh dans le rôle de Chick, obsédé par Jean-Sol Partre, au point de perdre amour et raison et à Aïssa Maïga qui a une présence folle.
Gondry fait un boulot incroyable d’invention visuelle pour traduire la richesse stylistique de Vian et on est constamment surpris et dérouté. Il est d’ailleurs intéressant de voir que les deux artistes avancent en sens inverse sur le thème de la machine : alors que Vian délire sur une civilisation où l’objet manufacturé prend de plus en plus de place, Gondry défend un retour au bidouillage humain et manuel mais il fallait ça pour apporter du sens visuel en 2013 à l’histoire qui est très dans son actualité de l’époque. Pour dire à quel point j’ai été agréablement surpris, le personnage de la souris qui m’avait agacé pendant tout le film m’a fait verser une larme d’émotion à la fin. Gondry prouve encore une fois qu’il est un artiste étonnant et original et une vraie bouffée d’oxygène dans un univers visuel bouffé par les effets spéciaux 3D. C’est un film où les rayons de soleil sont solides, les voitures fondent à la chaleur, les chaussures courent après les chiens et les fusils au protons ont besoin de chaleur humaine. Je finirai par un coup de chapeau à la bande originale qui respecte les goûts de Vian – jazz, jazz, jazz – et qui se détache petit à petit (au grand dam de Colin qui ne supporte pas la variété) pour des choses plus contemporaines. Et la boucle est bouclée puisque Mc Cartney joue de la basse sur la BO…
J’ignore ce qu’il faut rendre à Gondry et ce qui appartient à Vian mais je ne peux que vous conseiller de voir ça sur grand écran. De toute manière, c’est ça ou Les Profs…
Ça me fait plaisir de lire ça, je dois aller le voir bientôt, j’en attends beaucoup, mais les premières critiques m’avaient un peu refroidi…
@Lorhkan : j’ai vu en effet qu’il y en a qui ont détesté.
@Li-An : C’est la curée sur Gondry, ouais. Tout le monde a quelque chose a reprocher à ce film avec des raisons plus ou moins bidon (c’est trop cher, y a trop de stars, y a trop de Gondry…)…
Ce qui reste très surprenant ici, c’est que Gondry prend les moyens du cinéma français grand public et livre peut-être son film le plus expérimental et le plus grinçant. Alors, j’ai lu beaucoup de critiques qui reprochaient un manque d’émotion mais je trouve justement que c’est une très bonne idée de montrer des personnages broyés par leur environnement sans tomber dans le mélo. Il y a un aspect mortifère, un côté cauchemar éveillé qui est très audacieux dans ce film… Et qui mine de rien colle bien au bouquin.
@jérôme : oui, j’ai entrevu ça. Ça aurait coûté trop cher. C’est sûr qu’avec ce budget et ce casting, ils auraient pu faire un Astérix ou Camping 3 ! C’est sûr que c’est le film de Gondry le plus fou… parce que Vian justifiait ce délire.
Ce serait pas grave de se planter…Visconti l’a bien fait avec ”L’étranger”…Mais les ans lui ont rendu un peu de reconnaissance.
J’avais aimé le livre de Vian,à 15 – 16 ans.Je me permets une réflexion toute personnelle,concernant ce roman précisement:il faudrait ne jamais relire un tel petit bijou.C’est une oeuvre merveilleuse,poétique qui devrait rester un souvenir,une lecture unique dont le lecteur serait resté un peu,beaucoup entre ces lignes émouvantes…Je suis hélas plutôt du côté des froides critiques.Mais ce n’est pas nouveau.Et pas bien grave.
(Tout de même,une critique m’avait interpelé:l’évocation qu’une animation,marionnettes ou silhouettes auraient eu un impact plus pertinent.)
@julien : c’est tellement visuel de toute manière comme bouquin qu’il vaut mieux ne pas l’avoir lu pour voir le film je pense.
Il sera intéressant de comparer cette nouvelle adaptation de L’ÉCUME DES JOURS avec celle de Charles Belmont avec les très jeunes acteurs Marie-France Pisier, Jacques Perrin et Sami Frey. Sélection officielle au Festival de Venise 1968. Sortie du DVD en octobre 21013.
Prévert en disait : ”Belmont a gardé le coeur du roman, ce film est merveilleusement fait. En plus, c’est drôle !”
Renoir : ”Ce film a la grâce”
En décembre 2011 Jérémie Couston écrit dans Télérama : ”Une comédie solaire délicieusement surréaliste. Adapter Vian ? un tabou dont Charles Belmont est joliment venu à bout”.
En juin 2012 Michèle Vian dans Le Monde : « C’est très joli. Charles Belmont avait compris quelque chose. Il était fidèle à l’esprit. Et la distribution est éclatante ».
Et le Passeur critique le 24 avril 2013 : ”Cette fraîcheur de ton offre au roman original la traduction à l’écran d’une fuite existentielle débordante de vie magnifiée par une bande son jazzy d’une élégance rare et d’un montage à son unisson. Élégant le film l’est tout du long dans un dégradé de nuances.”
On peut voir photos, extraits et avis critiques sur le blog :
L’oeuvre du cinéaste Charles Belmont
@marielle issartel : je suppose que ça doit être très différent. J’avais entendu parler du film de Charles Belmont mais il n’est jamais passé à la télé – du moins pendant ma présence devant le petit écran.