Je me rappelle de plusieurs gags publiés dans Pilote où Giraud s’amusait à comparer le western américain classique et le western ”contemporain” de son époque à la sauce spaghetti. Il n’imaginait sûrement pas voir de son vivant une adaptation du Lucky Luke à la façon Sergeo Leone.
Par conscience professionnelle, je ne vais jamais voir au cinéma les adaptations de BD (tiens, je me rends compte que je n’ai pas parlé d’Adèle Blanc-Sec par Luc Besson sur ce blog). Après tout, on risque plus d’être déçu que satisfait, c’est scientifiquement prouvé – ou alors il faudrait que j’aille voir les adaptations de BD que je n’aime pas. Mais en zappant un soir, je suis tombé sur un morceau du Lucky Luke adapté par James Huth, le réalisateur de Brice de Nice, avec Jean Dujardin dans le rôle titre – des deux films. Je n’en ai pas cru mes yeux. C’était un hommage direct au western spaghetti avec des gags plus drôles que ceux de Bud Spencer et Terence Hill. Je n’ai fait ni une ni deux, j’ai éteint mon téléviseur en espérant une rediffusion pour le visionner en entier en famille. Chose faite cette semaine.
Le concept de l’adaptation est intéressant. Huth a repris une composante importante du personnage de Luke – il ne tue pas les méchants – et l’a développé en plaquant dessus un thème ultra référencé : la vengeance familiale. Luke ne peut pas tuer parce qu’il a vu ses parents assassinés. Éh oui, Lucky Luke a eu des parents et d’ailleurs son vrai prénom c’est John, voilà de quoi traumatiser tous les fans du cow boy solitaire. Bref, ça va mal à Daisy Town, la ville de naissance de notre héros, tenue par Pat Pocker (Daniel Prévost) et ses complices. Or le Président des États-Unis veut y faire un discours à l’occasion de la jonction de la fameuse ligne de chemin de fer Atlantique-Pacifique. Lucky Luke est chargé de remettre de l’ordre là-dedans. Il va devoir affronter Billy the Kid (Michaël Young) et tomber amoureux d’une belle chanteuse (Alexandra Lamy). Mais en tuant en duel Pat Poker, Luke perd ses moyens et manque de se faire lyncher par la foule avant d’être sauvé par Calamity Jane (Sylvie Testud) et Jesse James (Melvil Poupaud). Bon, ça a l’air complètement idiot comme ça mais il y a une vraie histoire – je ne vous raconte pas tout – avec même une fin cohérente et c’est déjà pas si mal. Évidemment, de l’univers purement Morris/Goscinny, il ne reste pas grand chose à part quelques noms et gags visuels. On a quand même réussi à caser Jolly Jumper causant et j’ai trouvé ça plutôt bien réussi. Les acteurs en font des tonnes mais ça correspond au genre et, à part la mèche disproportionnée, Jean Dujardin interprète un personnage sympathique et un peu niais comme il sait si bien le faire. Le vrai plaisir du film vient de son aspect visuel : les décors tout court et les décors naturels sont magnifiques et très bien filmés, les fringues et looks sont cohérents et je n’ai vu aucune faute de goût. Le pompon venant à la fin avec un gigantesque bandit manchot/boîte à surprise au plein milieu du désert, digne d’un bon épisode des Mystères de l’Ouest ou de Chapeau melon et bottes de cuir.
Détourner un classique pour s’amuser avec et le faire avec cohérence, moi je trouve ça pas mal et en plus il y a de multiples références aux fans de western. Un petit côté Pilote dans l’esprit, finalement. Et qui dit Pilote dit Goscinny, non ? D’ailleurs, je me demande si je n’aurai finalement pas préféré voir Dujardin dans une adaptation de Blueberry par James Huth…
Les cinéphiles se retournent dans la tombe de Goscinny.
@hobopok : c’est très bien, ça permet de faire les toiles d’araignée :-)
À quoi reconnait-on les cons disait l’autre ? Ce qui m’étonne, c’est qu’on n’ait pas encore eu droit à un Blake et Mortimer. Pour Boule et Bill, je crois que le comble ça a été la création de La jeunesse de Boule et Bill. Vous me direz, il y a bien eu des Gauguin :-) Et rappelez-vous le Gaston !
@Li-An : James Huth avait justement une adaptation de La Marque Jaune en projet, y a une dizaine d’années (ça devait être son deuxième film, je crois) ! Maintenant, c’est une arlésienne d’Alex de la Iglesia (et les dernières annonces, c’était Hugh Laurie en Mortimer et Kiefer Sutherland en Blake mais d’ici à ce que ça se fasse…).
(bon, sinon, je suis loin de partager ton enthousiasme pour ce Lucky Luke ‑à ma décharge je l’ai pas regardé en entier… Disons que ça doit sûrement pas être pire que la version de Terence Hill)…
@jérôme : oui, bon, si tu n’as pas accroché au début, il y a peu de chance que l’entièreté de la chose te convainc (mazette, comment ça se conjugue, ça ?). En tous cas, merci pour les précisions sur les différents projets. J’ai appris ce matin à la radio que Pénélope Bagieu voit ses BD adaptées en ce moment – c’est en tournage.
Je viens de découvrir avec effroi les affiches pour ”Boule et Bill”.
Dans ma tombe,je f’rai rôtissoire…”Boule & bill”,on jurerait une blague.Et pourquoi pas Astérix!?
Ah ben moi, je suis parti à la renverse et j’ai fait un vol plané par-dessus le dossier de mon rocking-chair, en lisant ça.
S’il y a jamais eu une adaptation que je m’étais estimé dispensé d’aller voir, c’est bien celle-là, mais présenté comme ça, avec référence à ”l’esprit Pilote” et tout… évidemment… Merci Li-An d’avoir tâté l’eau pour nous tous !
@Tororo : je crois que c’est le billet le plus provocateur que j’ai écrit ici. Et en même temps, j’ai lu/vu tellement de trucs qui m’ont plutôt déçu ces derniers temps que je n’allais pas éviter un film qui m’a amusé !