À un moment, Arthur Penn a dû être mon metteur en scène préféré. Et Missouri Breaks n’est pas étranger à l’affaire. Présenté au public en 1976 comme la rencontre évènement entre deux énormes stars de l’époque – Jack Nicolson et Marlon Brando – le film n’a pas eu le succès public et critique escompté. Il faut dire qu’il est assez déroutant. Un grand propriétaire terrien qui ne supporte plus les voleurs de bétail engage un ”régulateur” – Marlon Brando- chargé de le débarrasser de la vermine. Il trouve face à lui un des hors-la-loi, Jack Nicholson, qui décide d’installer un ranch relais pour bêtes volées juste sous son nez… et qui séduit sa fille unique.
Pour l’amateur de western, ce qui frappe, c’est la succession de couches dans le scénario et la narration. Il y a Nicholson et sa bande – dont un excellent Harry Dean Stanton, vieux brigand stoïque – rigolards et un peu bras cassés (le vol des chevaux de la police montée est croquignolesque), ados attardés qui vivent au jour le jour. En face, le propriétaire – John McLiam – fier de sa réussite et épris de philosophie livresque et sa fille (Kathleen Lloyd), jeune femme qui refuse la loi de la violence et très éloigné des stéréotypes westerns – elle propose tout de go à Nicholson de la déflorer et celui-ci ne sait pas quoi faire de cette proposition inattendue. Au milieu, Marlon Brando, tueur complètement givré, sans aucune morale voire sentiment humain, très moderne dans sa folie (il annonce les serial killers voire le Mal incarné des méchants de Lynch). C’est superbement filmé, monté et cadré, les dialogues quotidiens sonnent justes et ”authentiques” et, en même temps, on a droit à une menace surréaliste qui tourne à la folie (cf. la crise finale de John McLiam). Nicholson, roublard, mais impitoyable, doit son salut à l’amour et au désir de grandir. Visuellement et scénaristiquement, un des westerns qui m’a donné envie d’en réaliser. Un coup de chapeau à la costumière qui introduit des éléments plus sophistiqués dans les motifs et les tissus que ce que j’ai pu voir par ailleurs.
Comme la bande annonce officielle est vraiment pourrie, je vous mets un truc hors-la-loi : la bonde-son de John Williams agrémentée d’extraits du film. Bon ben tant pis, la bande annonce vraiment pourrie quand même.
ah oui il est passé l’autre soir et je l’ai raté ! damned ! (et je n’arrive pas à le trouver sur arte+tv :-( )
@bb : il va peut-être encore repasser. Prie…
Là encore.La possibilité de retrouver toute cette oeuvre en V.O. donne un cachet remarquable.Pas un snobisme de cinémathèque;pas que les doublages français d’alors étaient mauvais,non;mais c’est une rdécouverte trés profonde.Brando est effrayant et les choix vestimentaires sont trés pertinents…Ces détails n’en sont pas;ils achèvent de fasciner le spectateur.Par ailleurs,il y a un rythme;une tentation du contemplatif qui s’entremêle au récit que j’aime beaucoup.Pour une redif’,guetter la semaine du 16 décembre..?
@julien : oui, c’est la première fois que je le voyais en VO et c’était un grand plaisir. Je l’ai remis en VF par hasard et ça fait un peu mal quand même.
Je ne trouve rien à ajouter, cette présentation est parfaite : je me souviens moi aussi avoir éprouvé ce choc esthétique à la sortie du film, et, bien plus tard, avoir trouvé des convergences avec l’univers de Lynch, dans toutes ces séquences qui obéissent à la logique des cauchemars…
Et le medley de la bande-son est magnifique ! Ça donne envie de le revoir.
@Tororo : en plus, il y a une simplicité dans l’aspect visuel qui est loin du manièrisme de certains films de l’époque. La bande son est vraiment bien, elle aussi.
Tombé dessus sur Arte, j’ai pas tenu, tant ça m’a paru chiant à crever. Et dans le genre juste et authentique, la veste à franges de Marlon Brando vaut son pesant de beurre.
@Hobopok : hum… J’ai bien peur que tu n’aies rien compris au personnage. Mais bon, chacun sa croix, chacun son chemin comme chantait l’autre.
Le personnage joué par Brando m’avait semblé juste par sa démesure même… Des personnages frapadingues, l’Histoire de l’Ouest en compte quand même quelques-uns, qu’en pense notre spécialiste maison ?
@Tororo : oh oui, tous les frappadingues avaient leur chance dans l’Ouest. Le personnage de Brando est un peu too much mais cohérent : il représente une espèce de déliquescence morale de l’Ouest où le violence – classique thème westernien souvent justifié voire applaudie – est montrée sous un jour abject.
En annexe :
http://videos.arte.tv/fr/videos/mysteres-d-archives-1910-buffalo-bill-extrait – 7007176.html
Association d’idées avec la démesure,le pathétique(sans l’effroi)de Brando.
Dans cette excellente série d’émissions multi-diffusée,celle de Buffalo Bill dévoile ce qui est considéré comme le premier Western;ce cinématographe qui tua trés rapidement les spectacles plein-air et mégalo de Buffalo Bill.Ce dernier s’essaiera au cinéma en une tentative sans succés…Le film de Robert Altman,avec Paul Newman se penche remarquablement sur ce pantin-héroique,et saisit autant le ridicule du personnage que le tragique sous-tendu…Passionnant.
@julien : ah oui, je l’ai loupé celui-là.
La Poursuite impitoyable mais surtout Little big man, peut-être un de mes films préférés. C’est bizarre comment Arthur Penn est si peu cité par rapport aux cinéastes du ”Nouvel Hollywood”. Après Georgia il a eu beaucoup de difficultés à continuer d’exister.
@Eric Tao : je pense qu’il est trop ironique pour la critique française… Et moins bankable ?