Rango, un film d’animation de Gore Verbinski
Les fêtes de Noël, c’est l’occasion pour les télés de nous bombarder de films d’animation. Ça tombe bien, j’ai du retard à ce niveau.
Rango est un dessin animé réalisé par Gore Verbinski, le réalisateur des fameux Pirates des Caraïbes. Voici donc les aventures westerniennes d’un caméléon qui a pris l’habitude de se raconter des histoires pour passer le temps dans son bocal et qui, suite à un accident, se retrouve dans un trou perdu en plein désert appelé Dust , un petit patelin en manque d’eau à la merci du maire local. Habitué à jouer des rôles, notre ami caméléon se fait passer pour un outlaw autobaptisé Rango et les habitants du village sont persuadés qu’il va les aider à régler leurs problèmes. Malgré sa maladresse, Rango finit par mettre à jour la vérité sur le village.
Le point fort du film c’est le goût de Verbinski pour les trognes et les ambiances crades. Tous les villageois ont des gueules pas possibles – animalières – et même la jolie poupée à la fâcheuse habitude de tilter régulièrement. L’histoire a la bonne idée de nous éviter le discours habituel de ”la famille c’est ce qu’il y a de plus important” qui semble le leitmotiv des commerciaux des vingt dernières années.
Tout est donc poussiéreux, miteux et les ploucs sont de vrais ploucs dans un grand hommage aux westerns spaghetti.
Verbinski fait même apparaître Clint Eastwood en grand esprit de l’Ouest – mais sans la voix de l’acteur malheureusement – et s’amuse avec la mythologie du genre (indien tatou mystique de pacotille, rêve peyotlien, méchants à petite moustache…). C’est donc visuellement une excellente surprise loin de la mièvrerie Disneyienne actuelle.
Côté scénario, c’est un peu en deçà. Le personnage principal a été basé sur Johnny Depp avec la même chemise rouge qu’il portait dans Las Vegas Parano – et d’ailleurs, on voit les persos du film croiser le chemin du caméléon, private abîme joke – et on a un peu de mal à sympathiser avec ce personnage de schizophrène mythomane. Quand au McGuffin, il n’a pas vraiment d’intérêt puisqu’on sait dès le début qui est le méchant.
Mais ne boudez pas votre plaisir : c’est un film de divertissement bien fichu bourré de clins d’œil et qui ne vous prend pas pour un gamin de six ans.
A Most Violent Year, un film noir de J.C. Chandor
L’affiche et le pitch de A Most Violent Year m’avait aux 3/4 convaincu et une bonne critique de Pierre Murat dans Télémérou m’a propulsé vers mon cinéma de quartier.
Abel Morales -Oscar Isaac- a une petite entreprise de vente de fuel qu’il développe à toute vitesse avec le soutien actif de sa femme Anna – Jessica Chastain. En 1981, New York atteint un pic de criminalité et les attaques répétées des camions de l’entreprise Morales n’est qu’une goutte d’eau dans un océan de délinquance et morts brutales qui recouvre la ville. Pour ne rien arranger, un procureur ambitieux a décidé de faire le ménage dans un métier où règnent magouilles et opacité en commençant par Morales à la réussite trop rapide pour être honnête. Sauf que Morales tient particulièrement à sa réputation et son intégrité…
Dans son article, Pierre Murat multiplie les pistes cinéphiliques mais ne cite à aucun moment le Scarface de Brian De Palma qui est pourtant la référence qui m’a sauté aux yeux.
Les deux films se déroulent à la même époque – le début des années 80 – le personnage principal n’est pas WASP, il est très ambitieux et il épouse une femme à la coiffure identique à celle de Michelle Pfeiffer. En fait, Morales c’est un peu Tony Montana qui aurait réussi son rêve : il a fondé une famille avec la femme idéale, monté en entreprise légale et voilà que tout se ligue contre lui. Sauf que là où Montana aurait sorti la grosse artillerie, Morales a décidé de rester honnête malgré les pressions de l’intégralité de son entourage, persuadé qu’il s’en tirera en gardant les mains propres alors que son univers s’effondre peu à peu.
Le film est surprenant tout du long. Plutôt lent en rythme, il reste constamment ouvert et il est impossible de deviner qui va faire quoi et comment. Le danger rôde mais il n’est jamais clairement défini et quand les méchants se révèlent, ce sont de pauvres types qui ont leurs raisons. De ce point de vue là, Chandor est très fort : en quelques répliques, le moindre second rôle prend vie et reste marquant.
Le final est assez ambigu : même l’honnêteté dont se réclame Morales à un prix et la défense de son entreprise avant tout ajoute des touches de gris au personnage.
En sortant, j’étais ravi de découvrir un nouveau metteur en scène sauf que je viens de me rendre compte que j’avais déjà vu Margin Call du même Chandor qui traitait de la crise de Wall Street et qui avait recueilli déjà des critiques enthousiastes. J’y avais vu un film obscur à comprendre et aux enjeux pas vraiment passionnants. On verra bien pour le prochain.
Deux films que j’aime bien… A most violent year marque par son envie de prendre des figures du film de gangster pour les renverser ou les revivifier… En ne mettant pas des fusillades dans tous les coins, le film redonne un poids à la violence, et replace les enjeux à un niveau que le cinéma n’avait plus l’habitude d’explorer.
Rango c’est sympa parce que c’est Verbinski aux manettes et que j’aime bien sa propension à en mettre partout même si ça déborde, et l’animation lui permet de pousser les potards encore plus loin.
(à noter que Verbinski a ensuite enchaîné avec un autre western mais en live : Lone Ranger, qui ne mérite pas sa réputation d’accident artistique ‑mais bien celle d’accident industriel- même si le film est trop long)
(et pour l’anecdote et pour parler BD, le prochain Verbinski devait être une adaptation du Pyongyand de Guy Delisle, mais ça a été annulé)
L’univers de Delisle semble tellement éloigné des goûts visuels de Verbinski que je reste sans voix – ça explique peut-être l’échec du projet.
J’avoue que les critiques – et la bande annonce – m’ont dissuadé d’y aller jeter un œil. Sûrement lors de son passage télé.
En fait le plantage du projet est un dégât collatéral de tout le merdier qui a tourné autour d’une comédie américaine récente ayant pour cadre la corée du nord… Je ne sais pas si tu as suivi cette affaire mais la corée du nord est accusée d’avoir piraté des tonnes de données confidentielles du studio Sony en représailles de ce film, donc les financiers de tout poil ne veulent plus entendre parler d’un film qui s’approche de près ou de loin de la corée du nord…
Delisle a expliqué sa vision du truc sur son blog : http://www.guydelisle.com/divers/adieu-hollywood/
J’ai suivi ça de loin en loin. En fait, la Corée du Nord n’a rien à voir dans tout ça très probablement – le nombre de personnes autorisées à avoir accès au Web en Corée du Nord est très limité et il n’y a aucune chance de voir se développer une culture du hack pour le moment.
Pour l’instant, les financiers sont frileux mais je suis sûr que ça va donner des idées à des trucs indépendants qui ont des chances de cartonner avec le sujet. C’est dommage pour le film mais à mon avis, la BD de Delisle a dû être profondément remaniée pour le scénario.