De manière paradoxale, l’accès quelques jours à Netflix m’a donné envie d’aller au bout de certaines séries Amazon que j’avais commencées un peu paresseusement. Il est temps de parler ici de The Expanse dont je n’ai pas encore bouclé la saison 6 mais dont la saison 5 justifie sa réputation de série SF/Space Opéra la plus appréciée du moment.
Polar cheap
Je suis déjà assez méfiant avec les films SF alors les séries SF grand public, ça ne m’attirait pas plus que ça. Les fans de Star Treck me font peur et je suis incapable de citer une autre série SF. Mais bon, Amazon Prime est à portée d’une télécommande, Télémérou lui a octroyé une étoile, je n’avais rien à perdre à tester. J’ai tout de suite accroché à la première saison pour des raisons un peu honteuses.
En premier lieu, ce n’est pas du sous Star Wars. Pas d’extra-terrestre bavard ou de robot exotique, une ambiance noire/polar où l’on suit un privé à la recherche d’une fille à papa sur une station un peu pourrie, des enjeux dramatiques liés au vide de l’espace ou à l’apesanteur (dans Star Wars, aucun personnage n’est soumis à l’apesanteur dans l’espace grâce à la magie de « oula, mais c’est trop compliqué à expliquer aux fans pas fufutes »). Ensuite, cette première saison est vraiment cheap. Décors génériques, 3D pas fabuleuse, figurants mal fagotés et dirigés, on n’en prend pas plein la vue. Mais du coup, les enjeux dramatiques et les personnages prennent toute la place et ils sont séduisants.
Conflits sociaux en apesanteur
Basé sur les romans de Daniel Abraham et Ty Frank cachés derrière le pseudonyme de James S. A. Corey, l’univers de The Expanse est assez réduit au début de l’histoire. La Terre gère avec difficulté et à coups d’aides sociales une population sans emploi, la colonie Martienne est devenue une planète indépendante ultra-militarisée qui s’oppose à la Terre et, au milieu, les travailleurs pauvres de la ceinture d’astéroïdes, qui font le boulot ingrat et qui rêvent d’une autonomie réelle. L’équilibre fragile entre les trois parties va être bouleversé par l’apparition d’une vie extra-terrestre (la protomolécule) aux propriétés étonnantes et à la logique incompréhensible que tout le monde convoite. L’équipage du vaisseau Canterburry, impliqué dans les premiers incidents liés à la protomolécule, va se retrouver aux premières loges d’une histoire galactique.
Biodiversité
Le charme de la série vient en grande partie de son casting. Le héros, James Holden (Thomas Jane) est un brave type avec de fortes valeurs morales qui essaie de rester digne dans un combat où tous les coups sont permis, sa copine Naomi Nagata Dominique Tipper est technicienne, un mécanicien puis un pilote de l’armée martienne complètent le groupe. Les personnages sont dépassés par les évènements mais sont conscients qu’ils sont les seuls à pouvoir connaître la vérité et leur parcours personnel les incitent à se serrer les coudes pour former une famille qui transcende les appartenances planétaires. En parallèle, on suit les combats politiques de Chrisjen Avasarala (Shohreh Aghdashloo), sous-secrétaire de l’ONU (l’organisation politique terrienne désormais), acharnée à défendre les intérêts de la Terre mais qui va devoir se remettre en question.
Un autre point agréable de la série, c’est la représentation féminine. Je ne suis pas très au point sur le discours féministe mais les femmes montrées ont des métiers techniques/scientifiques ou évoluent dans les sphères du pouvoir. La saison 2 voit apparaître un de mes personnages favoris : Roberta Draper (dit Bobby) interprété par Frankie Adams . Bobby est sergent artilleur des Marines Martiens. Adams est d’origine samoane et a un physique impressionnant qui la rend tout à fait crédible en soldat d’élite. Nagata comme Camina Drummer, interprété par Cara Gee (d’origine Obizwe) sont des femmes très fines et increvables au physique pas exactement glamour. Le male gazing est aux abonnés absents puisque la plupart de ces dames sont en tenue de travail, uniforme ou scaphandre. En fait, le seul personnage féminin hyper glamour est celui d’Avasarala : une femme de plus de cinquante ans aux tenues spectaculaires inspirées des vêtements traditionnels indiens.
Bon, on n’échappe quand même pas à l’anglais comme langue universelle à l’exception notable des Ceinturiens qui forment une mosaïque de tribus doté d’un argot spécifique avec beaucoup d’emprunts à plein de langues notamment latines.
Défauts en série
Je ne vais pas faire croire que The Expanse est un chef d’œuvre inégalé – mais qui suis-je pour juger, moi qui n’ai pas dépassé la saison 3 de Game of Thrones ? Si la saison 1 est très ambitieuse du point de vue de l’histoire qui se termine dans une apothéose surréaliste, les saisons suivantes présentent quelques faiblesses de rythme, accentuées par le fait que l’on suit plusieurs cordes narratives différentes. Il y a pas mal de frustration : si les Ceinturiens sont abondamment décrits (pirates, mineurs, contrebandiers tatoués et grande gueule, post-Palestiniens en révolte avec l’Univers entier), les Terriens sont réduits aux sphères dirigeantes et on découvre une Mars peu exotique quand on finit par s’y poser.
Mais, à chaque fois, les derniers épisodes donnent quand même envie d’en savoir plus et le plaisir de retrouver des personnages attachants est une bonne motivation. Sans compter que les moyens de la production augmentent à chaque saison et les images prennent une belle ampleur. Jusqu’à une saison 5 parfaitement équilibrée et haute en tension.