Sur Arte, ils ont passé un film étrange il y a peu. The Fall n’est jamais sorti sur grand écran en France. Son réalisateur, Tarsem Singh s’est fait connaître avec le clip de Losing my religion de REM, a tourné un film de serial killer (The Cell), très marqué visuellement, et son dernier ouvrage, c’est le Blanche-Neige avec Julia Robert. Pas super sexy, c’est sûr.
Vu le concept visuel de The Fall, on peut penser que Singh est un grand fan de Terry Gilliam et, en même temps, son travail est très éloigné dans la réalisation. Mais commençons par le commencement…
Dans un hôpital californien des années 1920, un cascadeur qui s’est cassé le dos (Lee Pace) croise une petite fille (Catinca Untaru) qui s’est cassée le bras en cueillant des oranges. Pour la distraire, il commence à lui raconter une histoire fabuleuse qu’il utilise pour la manipuler, tel une Shéhérazade alitée : cinq personnages hors du commun luttent contre le terrible Odieux dans un univers fantastique.
L’univers du conte est incroyablement soigné et inventif – les costumes sont de Eiko Ishioka – suffisamment codé pour ne pas paraître rebutant et pourtant très original. Singh s’éloigne de Gilliam sur un point important : il ne truque pas. Gilliam a toujours aimé les machines, les effets de théâtre, alors que Singh tourne en décors réels – une séquence rapide d’un voyage éclair donne le tournis : pour quelques secondes du film, on voit des images littéralement du monde entier avec les personnages en train de galoper – avec des effets purement naturels. La partie ”contemporaine” est tout aussi soignée avec de nombreux personnages qui trouvent leur équivalent dans le conte et portée par le jeu extraordinaire de Catinca Untaru qui semble complètement ignorer qu’elle est en train de tourner un film tellement elle est naturelle et spontanée.
Le film a été un échec complet, peinant à trouver des distributeurs à travers le monde. Il faut reconnaître que l’histoire hésite entre deux philosophies : trop sombre à un moment pour un film ”pour enfant des USA”, il n’est pas assez complexe (surtout dans le conte) pour un film adulte. Quoi qu’il en soit, je le conseille fortement à tous les curieux d’images fortes et juste pour son actrice principale.
Oui, le film vaut beaucoup pour sa petite actrice (à se demander si elle ne vit pas les situations plus qu’elle ne les joue)… Ce que je reprocherais au film, c’est que ça tourne un peu à vide… J’ai parfois eu l’impression que le réalisateur tournait de jolies images aux quatre coins du monde et qu’après il plaquait l’histoire contemporaine dessus pour essayer d’y apporter de la profondeur. Le Münchausen de Gilliam était beaucoup plus organique dans sa structure et l’articulation de ses thématiques sur le pouvoir de l’imaginaire, la transmission des histoires etc.
@jérôme : ça fait longtemps que je n’ai pas vu le Münchausen mais c’est sûr qu’il y a une réflexion de Gilliam sur l’image et l’imaginaire. Tarsem manque peut-être un peu de profondeur et de réflexion sur ce qu’il peut raconter.
La gamine m’a quelque fois fait penser à un animal dans son jeu : quelqu’un d’inconscient de ce qu’il se passe et qui vit son truc.
The Fall is one of the most visually stunning movies I have ever seen.
I played it for a few seconds for my mother just so she could see the photography and she watched the whole thing. Twice. In one sitting.
Oh, and Catinca deserves an Oscar.
@Ana : well, as there are some things you cannot see the first time, a second view is a good idea. The most visually stunning movie I saw ? Cannot decide. I should have another look at Munchausen.
Tiens, ça m’intéresse pas mal, surtout que j’avais bien aimé The Cell (et pas seulement visuellement).
Sauf que s’il vient de passer sur Arte, je ne suis pas près de le revoir…
@Lorhkan : Il ne semble être passé qu’une fois. Mais en général, Arte rediffuse les films et donc, peut-être que l’année prochaine :-)
The Cell était un peu artificiel mais intéressant c’est vrai – bon, Jennifer Lopez c’était pas Jodie Foster…
Je pense que Tarsem a essayé de rendre ambiguës les images du ”conte”: alors que le conteur se contente de transposer sans vraiment y croire le pauvre scénario du nanar dans lequel il faisait le cascadeur (dans lequel il était question d’un chef indien et de sa squaw, et de situations conventionnelles de western), dans la tête de la petite fille (qui est censée ne pas savoir ce que c’est qu’un western, un artifice de scénario comme un autre) tout est transporté dans des décors des Mille et une nuits, plus grands que nature… un projet un peu analogue à celui de Gilliam, mais sans doute moins maîtrisé, il se perd un peu en route. Heureusement pour le film (que j’ai trouvé très beau, attention, hein, je ne le dénigre pas), il a sans doute disposé de plus de moyens que Gilliam.
Et d’une petite interprète fantastique.
@Tororo : Le Gilliam a quand même coûté plus cher que ce film (et même si on ne compte pas l’inflation)… Apparemment, Tarsem Singh a tourné son film petit bout par petit bout (sur 4 ans en tout, quand même) ce qui lui a permis d’économiser un peu (et par ailleurs le film de Gilliam est célèbre pour son gros dépassement de budget, imputable à plusieurs facteurs).
@jérôme : Oui, ”plus de moyens que Gilliam” c’est une formule plutôt maladroite, mille pardons. Les conditions de tournage des deux films ne sont pas comparables : dire que la postproduction du film a dû poser moins de problèmes à Tarsem serait sans doute plus juste… les gros problèmes ont dû arriver, pour The Fall, au moment d’assurer la distribution, à cause de son côté ”inclassable”: les trailers donnaient vraiment envie de le voir sur grand écran, mais qui l’a vu en salle ?
@Tororo : ben personne en France puisqu’il n’est pas sorti – bon, sauf dans des festivals par-ci, par-là.
Le Gilliam a dû coûter bien plus cher à cause des décors pharaoniques. Bon, il y avait Sting et miss Uma.
@Li-An : Ah mais le Gilliam c’était spécial niveau budget (et dépassement de budget), le tournage, c’était tout une épopée… Y a eu des bouquins dessus, dans le genre tournage catastrophe, ça vaut le coup (voir aussi les bonus de la dernière édition dvd).
@jérôme : Je rêverais de voir son Don Quichotte (Etson Jabberwocky est une vraie source d’inspiration pour plein de choses )
@Olivier R : Don Quichotte, c’est maudit, cf. Orson Welles.
Bon, je sais qu’on s’en fouit un peu, mais le conte adapté par Singh c’est Blanche-Neige, pas Cendrillon, et sinon il a aussi fait Les Immortels, un machin bizarre archi-esthétisant sur Thésée, avec tout de même quelques images fort stupéfiantes dedans. Voilà un gars qui se régalerait d’un scénario de Jodorowsky !
@Pierre Brrr : ah oui, zut, je corrige. Mais je me demande si Jodo écrit vraiment des scénarios.
@Li-An : Au passage, je saute du coq à l’âne, mais Jodorowsky s’est remis au cinéma (avec un nouveau film autobio qui sera peut-être montré à Cannes, peut-être pas).
@jérôme : je ne sais pas si j’aurai le courage d’aller voir ça :-)
Pour moi, The Fall de Tarsem Singh, est le plus beau film jamais tourné au monde !
Je ne mâche pas mes mots …je m’en fiche
Il y a TOUT dans ce film…
On peut lui reprocher… “un manque de scénario” … ce que j’ai lu dans certain forum …
C’est une mise en abîme… l’histoire du cinéma dans le cinéma… le roman dans le roman… l’histoire dans l’histoire
L’histoire des Pionniers du genre avec des moyens contemporains.
Tous les plans sont terribles… panorama, travelling… vues aériennes magiques. Je ne suis pas connaisseuse mais il me semble que le plan de l’éléphant nageant est un bel hommage aux caméramen plongeurs ! Tarsem n’oublie personne !
Un tour du monde… réalités… beautés.
La lumière… les costumes… le personnage de Darwin… De l’humour, de l’humeur, de l’amer…
Dans l’écriture… un relent de milles et unes nuits…
Mille problèmes soulevés… l’amour, la guerre, la condition de l’enfant face à l’adulte (le travail des enfants, son instrumentalisation), l’addiction, le cinéma… Cette reconstitution de la Floride… le light motif de l’orange (qui est peut-être la pomme d’Eve !)! La femme fatale !
Je ne sais pas… ce film me laisse perplexe… j’y reviens… il me semble TOUT contenir…
Non, ce film est tout simplement génial !
C’est une balle qui tue !
Sans faire mal… on y retourne !
@Nathalie : oula, ça risque de lancer du débat. Ou pas. Je ne me lancerai pas dans une polémique idiote mais, évidemment, ce n’est pas mon film préféré – même si j’évite de plus en plus les hiérarchies.