Pete Docter est le réalisateur chez Pixar de Là-Haut et Monster et Cie et un des scénaristes des deux premiers Toy Story et Wall‑E. Vice-Versa, sur vos écrans, est sa troisième réalisation.
Comme je traîne de plus en plus les pattes pour aller voir les films d’animation – qui semblent se résumer à ”personnages hystériques en 3D hyper bien animés avec des problèmes familiaux ou dans des aventures frénétiques” – j’ai regardé avec une certaine perplexité la bande annonce de Vice-Versa, le nouveau Pixar. Des créatures archétypales en train de se chamailler devant un panneau de contrôle et censés représenter les émotions d’une petite fille. Ça m’avait l’air pourri.
Mais les critiques se sont révélées toutes élogieuses et je me suis dit que je pouvais bouger un peu mes grosses fesses.
Je vous présente donc Joie qui guide la vie de la petite Riley, onze ans. Elle est apparue au moment où bébé Riley a ouvert les yeux et son travail s’est vu un peu compliqué par des collègues de bureau pas faciles : Colère, Dégoût et Prudence. Et Tristesse qui est une rabat-joie de première. Tout ce petit monde gère aussi les souvenirs de Riley – de belles boules colorées – qui sont stockées suivant leur importance. Tout roule pour Joie qui gère son petit monde avec entrain… enfin jusqu’à ce que les parents de Riley déménagent et que son univers s’effondre. Brusquement, Tristesse se met à contaminer les souvenirs heureux et les angoisses de Riley déclenchent un vent de panique qui envoie Joie et Tristesse à l’autre bout du cerveau, laissant les commandes à Colère, Dégoût et Prudence un peu débordés par les événements.
Je ne vais pas faire mon malin, c’est magnifiquement réalisé et animé et, surtout, c’est bourré d’idées originales. Le film d’animation a tendance à reproduire des schémas rassurants pour le public ou les producteurs et Pixar, comme ils l’ont régulièrement fait, pousse le curseur plus loin. Il n’y a pas d’aventures extraordinaires, pas de super méchant et, surtout, le film aborde des concepts compliqués qui donneront du fil à retordre aux parents qui auront sûrement droit à une batterie de questions de la part de leur progéniture à la fin de la séance.
C’est que l’histoire est entièrement basée sur la notion de mémoire et de souvenirs qui forment la personnalité, illustrés par un monde visité par Joie et Tristesse. Avec une approche qui devrait effrayer les plus petits : les souvenirs d’enfance s’effacent petit à petit exceptés quelques uns fondateurs. On assiste donc à l’auto-destruction d’un univers enfantin contre lequel Joie lutte en vain jusqu’à finir par comprendre qu’elle n’est pas la seule aux commandes. Une parabole intelligente sur l’évolution inévitable de la perte de l’enfance pour pouvoir grandir, sans passer par la structure des contes un peu trop galvaudée de nos jours. Ce qui n’empêche pas de multiples gags, quelque fois surréalistes, et dont beaucoup vont devenir cultes.
A posteriori, on peut deviner une certaine constance dans les thèmes de Docter : la fin de l’enfance et la nostalgie d’un monde plus simple est marquant dans Toy Story ou Wall‑E. La concrétisation d’idées apparaît déjà dans Monster et Cie où les peurs enfantines prennent vie.
J’ignore comment les bambins vont le recevoir mais le thème abordé va particulièrement toucher les parents qui ont leur enfance loin derrière eux et qui voient leur propre progéniture devenir de jeunes adultes : ils seront doublement impactés par ce que raconte l’histoire.
Enfin, une dernière remarque sur l’animation : les personnages représentant des émotions primaires, leurs mouvements outrés sont assez logiques. Joie est particulièrement intéressante. Elle bouge en fait comme les héroïnes Disney du moment : hyper active, toujours positive et vaguement saoûlante, ce qui est présenté comme un comportement normatif chez Disney alors que, dans Vice-Versa, le personnage n’est qu’une facette de personnalité. Son optimisme forcené montre aussi ses limites – ”la puberté ? Probablement rien d’important”.
En ouverture du film, j’ai eu droit à un court métrage Pixar, avec des pailles en queue, un peu soporifique. Ne loupez pas les gags de début de générique et n’attendez pas ceux de fin de générique, il n’y en a pas – j’avais pourtant un épilogue en tête qui me paraissait évident et qui n’est pas venu. Prévu pour une suite possible ?
Évidemment, évitez de regarder la bande annonce pour un max de plaisir en salle…
Fin de fin : Docter est originaire du Minnesota (il faut voir le film), je ne sais pas à quoi fait référence le titre du film (?), l’affiche ”2D” est très belle.
Je viens d’apprendre un mot (”paille en queue”).
Bon à part ça Vice-Versa c’est quand même très très bien. Le courage et la sagesse qu’il faut pour prendre cette idée de base qu’on a vu des centaines de fois (les personnages qui symbolisent le fonctionnement interne d’un autre personnage) et le pousser à fond, c’est assez admirable. ça fait un peu couillon dit comme ça, mais j’avais l’impression de me trouver devant le boulot d’un vieux sensei qui chercherait à transmettre ce qu’il a pu comprendre de la vie tout en étant le plus sincère et le plus humble possible.
C’est aussi assez beau de voir l’œuvre de Pete Docter se construire film après film, avec les thèmes de la transmission, du rapport entre générations, de l’oubli, qui reviennent sur trois longs-métrages.
Je n’ai pas un grand souvenir de Monster et Cie voire de Là-haut – la résolution n’était pas passionnante – mais celui-là est vraiment chouette. Tu as compris le titre ?
Y avait un truc particulier à comprendre ? (en anglais c’est ”Inside Out”, ils ont un peu traduit comme ils pouvaient, je crois)
Ben, par exemple, Fast & Furious, je comprends que ça va aller vite et que c’est action…
Ben Inside Out, on comprends que ça parlera d’intérieur et d’extérieur , mais c’est un peu le jeu de mots intraduisible en français.
Donc ils ont bien planté leur titre.
Au Québec, ils ont appelé ça ”Sens Dessus-Dessous”, un peu moins à côté de la plaque mais c’est pas non plus tout-à-fait ça.
On va faire un concours : trouvez un bon titre français pour ce film.
Normalement je dois le voir ce week-end.
Je n’ai pas le souvenir d’un Pixar qui fasse autant l’unanimité depuis bien longtemps…
En effet, j’ai l’impression que tout le monde est d’accord sur celui-là.