En retournant mon tome 2 du Blotch de Blutch, je me suis rendu compte que le prix était indiqué en francs (français). Vingt ans se sont donc écoulés et le génial dessinateur humoristique fait désormais partie de l’Histoire de la BD.
Blotch, c’est un hommage à Fluide Glacial et c’est aussi un au revoir. On sait que Blutch débute dans le magazine après avoir gagné un concours. Il va s’en servir d’abord pour expérimenter avec des histoires très référencées (séries télé US des années 1960 notamment), créer une héroïne (Miss Sunnymoon) aux aventures de plus en plus étranges et revenir à l’humour avec l’excellente série Rancho Bravo scénarisée par Jean-Louis Capron (M.Cornélius) qui détourne les codes du western classique avec brio.
Avec Blotch, Blutch joue sur les codes de l’autobiographie qu’il a déjà explorée avec Le petit Christian. Blotch est un double fictionnel dessinateur qui travaille pour une revue humoristique de l’entre deux-guerres particulièrement conservatrice qui s’appelle… Fluide Glacial. On retrouve différentes personnalités du magazine détournées (notamment un jeune débutant nommé Goussein) en mode artistes ratés imbus de leur personne.
En relisant ces histoires vingt ans après, on se demande à quel point Blotch reflète le sentiment de Blutch vis à vis de la BD à l’époque. Évidemment, Blotch semble le repoussoir parfait de Blutch : il déteste tout ce qui est moderne, la jeunesse, le jazz, le cubisme et tout ce qui sort d’une culture franchouillarde de droite. Mais Blotch semble aussi très proche de Blutch dans sa forme pessimiste. Blotch est très fier d’un travail sans réelle valeur artistique mais trouve des fans parmi des gens de qualité (actrice volcanique, génie de la trompette). Son travail ne lui permet pas une reconnaissance plus importante voire de gagner beaucoup d’argent. Ça lui permet de vivoter au jour le jour entre compromission et facilité. Plus cruel, lorsque Blotch tente d’échapper au dessin d’humour, il découvre une peinture tout aussi commerciale et déprimante.
Finalement, après lui avoir trouvé une copine aimante, Blutch abandonne son double repoussoir pour développer des projets plus difficiles chez des éditeurs plus importants. Mais Blotch semble le rattraper avec le projet Tif et Tondu.
Tu réhabilites mon envie de lire son Tif et Tondu. Merci. J’avais apprécié Lune l’envers, aux influences situées quelque part entre la nouvelle vague française des années 60, Jean-Claude Forest, Terry Gilliam. Après, son truc de refaire des pages de ses auteurs favoris, j’avais trouvé ça peu créatif. Etre persuadé de son propre génie peut nuire. Tu l’as lu, son Tif et Tordu ?
J’ai lu la version souple (on en est à quatre versions, une politique éditoriale classique avec Blutch où les éditeurs tentent de rentrer dans leurs frais en faisant feu de tout bois) qui finit en eau de boudin puisque la dernière partie est constituée du story board https://www.li-an.fr/bd-du-moment/blutch-tif-tondu/. Je vais peut-être me faire offrir la version couleur pour la fête des Pères. Ça se lit bien et mieux que ses trucs les plus tirés par les cheveux. Lune l’envers était bien, je l’ai chroniqué quelque part par là.
Ah Blutch ! J’apprécie beaucoup le dessin du bonhomme, même si sa reprise de Tif et Tondu m’a laissé perplexe (faudrait que je la relise). Mais avec Blotch, on atteint les sommets.
Oui, Blutch est souvent associé à perplexité quand il part dans ses recherches persos. Il y a des choses vraiment difficiles à lire ou à relire.
Je veux bien admettre que Blutch est un génie, son dessin est quand même très beau, j’ai beaucoup aimé le Petit Christian, son Donjon est très bien, mais je comprends rien à la plupart de ses albums.
Et en particulier, y’a quoi de drôle dans son Blotch ?
C’est impossible d’expliquer pourquoi quelque chose est drôle – pour soi. L’humour peut être très clivant.