Bruce Predator est metteur en scène, un personnage plein d’énergie, obsédé par le film qu’il tourne et rien d’autre. Son film du moment, c’est Le Coeur et la Boue, mélo évoquant l’époque de la guerre d’Indochine. Épaulé par son producteur inquiet, enquiquiné par un jeune Indien fils de mécène et luttant pied à pied contre les éléments et les acteurs, Predator croit vivre sa vie et la laisse peut-être passer…
Recommandé par un des mes amis scénaristes, j’ai acheté cet album de Martiny et Petit-Roulet avec curiosité. Sorti en 1985, c’était à l’époque tout ce que je vomissais en BD : des célibataires pré bobo en crise artistique et personnelle sur un dessin post post ligne claire. Comme beaucoup de personnages des années 80, Bruce Predator navigue entre deux eaux : il est aussi célibataire et dynamique que Tintin ou Spirou mais il évolue dans un univers citadin où il rencontre des jeunes femmes indépendantes. L’opposition est souvent représentée par des hommes ou femmes de pouvoir d’une génération plus ancienne. L’influence de la culture américaine est importante et apporte une modernité de comportement détaché des combats idéologiques des années précédentes. Personnellement, je mettrai dans un même sac Jack Palmer de Pétillon, Ray Banana de Ted Benoît ou Phil Perfect de Serge Clerc. Bruce Predator est une espèce de transition entre ces personnages un peu parodiques et Monsieur Jean de Dupuy & Berbérian, plus réaliste. Curieusement, si ces personnages sont des créatifs, ils font rarement de la BD. Bruce Predator est donc cinéaste… comme l’a été Martiny en 1983 avec son film Jusqu’à la nuit avec Arditi et Yasmina Reza (co-scénariste du film) à qui l’album est dédié. D’ailleurs l’actrice principale du film de Predator a pour nom Yasmina Nera.
Je dois reconnaître que j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir l’album. Les personnages ne sont pas figés, il n’y a pas de combat, juste un film en train de se faire et Predator est complexe. Nombriliste et persuadé de son talent, il sait aussi s’adapter aux circonstances. L’histoire est légère et souriante mais évite gracieusement les clichés et la dernière case va remettre tout l’album en perspective. Le dessin de Petit-Roulet est sobre et détaché (les personnages sont juste esquissés) et Predator se distingue surtout par son nez à la Docteur Poche. Testé auprès du fiston qui a bien aimé.
Remarque : impossible de trouver facilement des informations ou images sur Jusqu’à la nuit qui n’apparaît même pas dans certaines bio de Martiny. Pas de bande annonce sur YouTube ou DailyMotion. Juste un avis ”médiocre” sur une base de données américaine…
Marrant, je l’ai pas lu, je ne suis pas sûr de l’avoir seulement vu ! Il faut que je demande à mon frère (libraire d’occasion/collection).
J’adore les auteurs pour Macumba river, Face aux embruns ou le cirque flop et le syndrome du hérisson. Dans le genre pré-Monsieur Jean, il y a ”soirs de Paris” (Avril/Petit-Roulet) et ”Le chemin des trois places” (Avril/Götting). La génération PLG quoi.
@Jean-no : tous leurs albums alors :-) Pas sûr que j’ai la curiosité d’aller voir le Avril/Götting.
Ce nez…
@Totoche : il faudrait faire une analyse des nez longs en BD…