De manière assez paradoxale, je n’ai pas acheté grand chose de Cabanes – La crognote rieuse où il est à l’optimum de son dessin me semble-t-il mais, bon, comme je l’ai dit, je n’ai pas tout lu. Ses histoires érotiques de Colin-maillard m’avaient bien émoustillé mais, je ne sais pas, quelque chose dans le – beau – dessin, l’univers, ne me parlait pas. Quoiqu’il en soit, dans la période bénie éditoriale où nous vivons, plein d’albums au graphisme inventif décrivant des univers intérieurs fabuleux (j’arrête de me moquer), tomber sur Dans les villages – le tome 1 de la série – donne l’impression d’un puits d’eau dans le désert.
Sur le site Wikipidi, il est dit que le travail graphique de Cabanes est inspiré de l’ ”underground”. Cela signifie probablement qu’à l’époque son trait tout en hachures et en ombres portées était très éloigné des canons franco-belges – même si les nez restent gros – mais aujourd’hui, je trouve son travail sur cet album très classique, probablement inspiré par les gravures anciennes et les illustrateurs US (on retrouve un peu de Franquin et un Moebius du début).
Dans un dessin donc hyper expressif, on suit des petites créatures humanoïdes à la recherche d’un liquide miracle qui rendrait intelligent. Les monstres croisés sont barrés et les non-aventures zigzaguent comme un vélo ivre. Ce n’est pas à proprement parler une histoire mais une espèce de rêverie graphique que Cabanes pousse à son paroxysme.
La série a continué son bonhomme de chemin de manière tout aussi bizarre, dormant des années avant de rebondir à droite à gauche chez Dargaud et même les Humanoïdes Associés – le dernier tome est paru en 2008 chez Dupuis !
Après cette lecture, je reste tout aussi perplexe qu’avant. Ce premier tome est vraiment délirant et inventif avec un dessin qui force le respect – et une couverture hors norme très inspirée par l’underground de l’époque pour le coup – mais ça ne s’interface pas avec mes synapses. Dommage pour moi.
Cabanes m’a procuré,je crois-je vais me calmer-j’adore Cabanes,le même choc,à répétitions qu’un Blutch.L’expression la plus absolue de l’acte de dessiner;une rage me semble t’il toujours vivace.Les récits de sa jeunesse (A suivre,L’écho des savanes) me plaisaient également,par le travail des couleurs (ces bleus d’ombre,la lumière),et une liberté d’un dessin parfois dénoué,souvent en déséquilibre.Je guette ici une influence tue de Jijé,dans le hâtif,le gauche,l’énergie malgré tout.
La Crognote,Dans les villages…On est aussi à l’époque des V.Hardy,Masse,Goossens aussi…Dans ces années là,le rutilant tant loué d’un Boucq m’apparait (avec mes yeux d’aujourd’hui) en toc et en effets.
Quelle belle déclaration… Dans le cas de Boucq, je ne serai pas aussi dur. Mais évidemment, on peut penser qu’il est surcôté par rapport aux auteurs cités.
Oserai-je une métaphore ? Boucq, Goossens et Cabanes ont, chacun, une Porsche, mais Boucq conduit la sienne un peu comme s’il avait peur de rayer la carrosserie.
Dans son cas, il a montré qu’il pouvait faire du hors piste mais il semblerait qu’il préfère les autoroutes dorénavant. C’est un peu dommage.
”Rencontres du 3e sale type”, avec son petit côté Goossens, m’avait mis une énorme baffe à l’époque. Une révélation qui m’a certainement donné, entre autres, le goût de lire des histoires ”différentes”.
Il faudrait que je le trouve celui-là. Rien que pour voir – et tant qu’à lire des vieilleries.
Julien a dit tout le bien qu’il fallait penser de Cabanes. Je l’ai découvert dans les albums Audie de Fluide dans les années 70, perplexe devant les histoires auxquelles je ne comprenais rien mais admirateur du dessin et des univers minéraux qui me faisait penser à Du Herriman ou du Moscoso. Une pensée pour son adaptation très personnelle du Roman de Renard qui avait fait l’objet d’un beau 30x40 chez Futuropolis. J’ai vu (mais pas lu) qu’il s’était tourné vers le polar dernièrement en adaptant Manchette, quelqu’un l’a lu ?
Cela fait quelques temps qu’il fait du polar – plus propice à la vente. J’en ai lu un il y a longtemps. Pas lu le Manchette.
Grand dessinateur mais des histoires qui donnent l’impression d’une réunion dans un couloir de rédaction où l’on se tape du coude en rigolant sur une chute un peu graveleuse.
Personnellement, si je reconnais l’excellent dessin, l’absence d’intérêt pour ce qui se passe dans l’album a toujours achevé de me fatiguer.
Il y a également ce côté-là chez Blutch où il faut se triturer les méninges un bon moment avant de savoir ce qu’on a vraiment aimé. On aime d’abord le dessin, sa puissance et son énergie (chez Blutch) et puis, si on se prend à résumer ce qu’on a lu, on découvre qu’en fait, l’histoire repose sur un post-it et n’est qu’un prétexte à dessiner.
Pourquoi pas ? Personnellement, j’aime les belles histoires.
Blutch, c’est différent parce qu’il travaille sur du non-dit, des références littéraires et cinématographiques un peu obscures. Mais je suis d’accord que je préfère quand il raconte de vraies histoires. Après, c’est un peu comme l’Art Contemporain : c’est une histoire de ressenti, de l’écho que ça provoque.
La Jôle c’est du Doré potache, la suite est plus onirique et évocatrice. Les hachures dégagent peu à peu, merci la couleur… Ça démarre vraiment avec le tome suivant, l’Anti-Jôle ; le trait évolue radicalement mais surtout le rythme, le ton et le propos (car du coup il y en a un). Les deux suivants aussi sont supers, ça aurait pu en rester là. Pas lu les tomes de chez Dupuis.
Cabanes ça a été un grand choc pour moi aussi, j’ai crobardé des Merdouzils pendant un moment. La suite de sa carrière reste impeccable graphiquement, peut-être plus sage quant au propos ; les polars avec Benaquista c’est pas ma came (mais j’ai bien aimé ses souvenirs d’enfance dans A Suivre). Pas relu tout ça depuis des années. Là il va sortir une adaptation du Fatale de Manchette (avec Headline au scénar), faudra lire ça sans trop comparer avec la tentative avortée de Tardi
D’après les échos que j’ai, le polar tiré de Manchette est bien mais classique.
Cabanes partage avec Hardy, Masse et Goossens l’exorbitant privilège d’avoir eu une reconnaissance publique infra-atomique par rapport à son talent. Je sais comment ces trois-là ont ”survécu” financièrement, mais pour Cabanes, je préfère ne pas savoir. C’est un peu normal qu’il fasse des choses plus alimentaires depuis. Pour Boucq, ses premiers recueils d’histoires courtes du temps de A Suivre n’étaient pas mal du tout.
Cabanes avait une énorme cote à l’époque de Colin Maillard et les albums de l’époque ont dû très bien se vendre. J’ai l’impression que les polars ont bien fonctionné aussi mais je ne connais évidemment pas les chiffres.
Colin-Maillard, je ne sais pas. J’avoue que je suis resté scotché sur sa première période, dans les Villages + sa période histoires courtes dans Fluide Glacial et A suivre (dont le splendide Roman de Renart), après, quand son trait s’est assagi et qu’il est parti vers le mainstream, ça m’a moins intéressé.
Alors, oui, c’est vraiment la toute première période.
Rhôôô, j’ai acheté ”le roman de renart”, sa toute première période, comme tu dis, je savais pas que les Humanos l’avaient sorti en 30x40 (1200 exemplaires) et ils le bradent à moitié prix ! 25 € ! c’est ouf !
Purée, ça cause comme du Forest.
Ben justement, l’éloge que fait Cabanes de Forest dans sa préface me donne envie de réévaluer son oeuvre (à Forest), je crois que je vais craquer pour la jonque fantôme vue de l’orchestre. A l’époque j’étais passé complètement à côté, et ça fait des années que je ne lis plus que des comics en v.o.
… moi, je cause comme je peux, surtout quand la lombalgie me fait tomber du lit à point d’heure. Des fois, ça me ravale au rang du borborygme. Beûûâârr.
J’adore le dessin de Forest mais je coince grave sur ses dialogues malgré mes différentes tentatives ces dernières années.