La nuit du Mocambo (Serge Clerc – Les Humanoïdes Associés)

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Avec la sortie du recueil Phil perfect, l’inté­grale t.1 – chez Dupuis ?!?, je me suis deman­dé si je pouvais encore trouver du plaisir à ces histoires parues dans Métal Hurlant dans les années 80. Hop, sortons mon exemplaire de La nuit du Mocam­bo, acheté en soldes dans une librai­rie de la rue de la Victoire, St Denis de la Réunion, là même où j’ai fait la connais­sance de Pierre-Louis Mangeard qui officiait là en tant que respon­sable du rayon BD/​SF/​polar. Recueil d’his­toires courtes mettant en scène Phil Perfect, espèce de journa­liste noncha­lant qui écume les bars la nuit, l’album est publié dans la collec­tion souple Sang pour sang desti­née à accueillir des BD polar, ce que La nuit… n’est pas vraiment. Serge Clerc en est à sa troisième incar­na­tion graphique et s’oriente vers un univers citadin un peu chic, un peu branché qui l’éloigne de la SF ultra référen­cée de ses débuts. Chacune des histoires voit d’ailleurs son style devenir de plus en plus sec jusqu’à arriver à une géomé­trie qui m’a laissé… froid.

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Phil Perfect évolue dans un univers très années 80. Il est plus ou moins céliba­taire avec un meilleur ami – Sam Bronx – sur les bras comme beaucoup de couples de person­nages de la BD classique (Spirou et Fanta­sio par exemple). Il vit dans un espace temps étrange qui rappelle les années 40/​50 (panta­lon à pince, filles en épaulettes, voitures de course) mais pas du tout histo­rique et à l’espace géogra­phique flou (la ville ressemble à Paris, immeubles post Seconde Guerre Mondiale, la plage est bretonne mais les bâtiments modernes etc…). Les noms des rues citent aussi bien les États-Unis que l’URSS. En cela, Clerc rejoint certains de ses collègues de l’époque (Ted Benoît, Denis Sire voire même Igort) qui décrivent des espèces de monde alter­na­tif au design très inspi­ré par le cinéma états-unien des années 40. C’est évidem­ment tout un patch­work issu des multiples influences subies par Clerc et qu’il adore recycler.
Est-ce que ça a vieilli ou pas se demande mainte­nant le lecteur impatient d’aller claquer de l’argent ? Bah, j’en sais trop rien. Ça n’a jamais racon­té grand chose – Phil Perfect pleure sa copine, va boire des coups et fait le coup de poing – mais je retiens quand même les trois premières histoires. La nuit du Mocam­ba, qui donne son titre à l’album, fait de Perfect un type carré à la Mitchum et il y a une beauté du trait et des trouvailles visuelles frappantes. Nid d’espions à Alpha-Plage est l’abou­tis­se­ment du travail de Clerc. Perfect zone sur un bord de mer hors saison, s’inven­tant un film noir peuplé d’espions inter­pré­tés malgré eux par les derniers touristes restants. Le temps s’éter­nise, Perfect s’ennuie et il y a toute un ralen­ti tempo­rel merveilleu­se­ment rendu. Je n’ai rien lu d’aus­si frappant sur la subjec­ti­vi­té de l’ennui. Finale­ment, Les hommes en noir voit Perfect intri­gué par un voisin peintre génial et auteur de BD honteux qui finira enlevé par de mysté­rieux homme du Minis­tère. Une espèce de réécri­ture ironique de l’aven­ture BD qui n’aura pas de suite.

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19 commentaires

  1. Perso, mon probleme avec Serge Clerc c’est que je suis fan. Y compris pour ”Le Journal” (oui). Mais je n’arrive pas à savoir si c’est par nostal­gie ou pas. J’ai gaché toutes mes jeunes années à traquer le moindre de ses petits crobards dans les MH chez les bouqui­nistes, mon meilleur pote ressem­blait comme deux gouttes d’eau à Sam Bronx, j’ai passé des heures et des heures à copier puis décopier ses dessins toute période confon­due, j’ai vendu ma petite sœur pour récupé­rer ”Mémoires de l’espion”…etc. Bref.
    Je comprends bien que ses histoires qui sont plus une succes­sion et juxta­po­si­tion de références et de fantasmes qu’autre chose peuvent lasser, mais moi je marche à chaque fois.
    Je ne suis pas bien sûr que Clerc était vraiment fait pour la BD mais plus un crobar­deur fou, un admira­teur autiste et génial, un ”rendeur d’hom­mage” fréné­tique. Et j’ai l’impres­sion que Le Journal est la première fois qu’il sort de là et raconte vraiment quelque chose (hors Legendes du R&R). je suis curieux de voir la suite.
    Et l’inté­grale est un sacré beau bouquin.

  2. Ex fan de Serge Clerc, j’ai feuille­té cette intégrale avec nostal­gie tout en me deman­dant qui cela pourrait bien intéres­ser vraiment (je suis ravi d’apprendre qu’il a existé et existe encore des fans de Serge Clerc, et je regrette de n’en n’avoir jamais rencon­tré en vrai).

    Je suis d’accord avec tout ce qui est dit dans ce billet. Serge Clerc est une énigme, sans doute autant pour nous que pour lui-même …

    (Je crois qu’en tant que fan j’ai été totale­ment guéri à la lecture des Limaces rouges, par contre le Journal est un témoi­gnage vraiment intéres­sant sur une époque, un style, une attitude. Ces chères années 80)

    • @Pierre : mon fiston, qui a lu énormé­ment de BD de ma bédéthèque, n’a pas parti­cu­liè­re­ment accro­ché à Clerc. Ce serait intéres­sant de croiser un ”jeune” fan de son travail, quelqu’un qui n’a pas connu les années 80.

  3. C’était surtout très ”typé Humanos”, alors voir cette intégrale chez Dupuis risque de bouscu­ler les vieux, à la biblio­thèque de l’hospice.
    C’est José-Louis qui a déposé Serge Clerc chez Dupuis avec sa Karman ? Et sinon, qu’est ce qu’il reste aux Humanos, à part Moebius et Chaland ?

    • @Totoche Tanne­nen : ben surtout Jodo. Je suis ça de loin mais je crois que c’est une coquille vide. Au fait, qui a jeté un oeil sur la série télé SF Metal Hurlant inspi­rée par des histoires… de la dernière généra­tion du magazine – pleurons ensemble mes frères ?

    • @Totoche Tanne­nen :
      Je ne trouve pas que Clerc soit telle­ment typé Humanos. Il est quand meme tres loin des Dodo & Ben Radis, Jano, Marge­rin, Sire etc. sans meme parler des Moeb Druillet et cie. Ses pages tranchaient quand meme pas mal sur le reste dans MH. Et on l’a vu telle­ment ailleurs (presse genera­liste, pochettes de disques, pub, illus­tr etc).

      • @Olivier R : c’est tout un parcours. Il a été très Moebiu­sien à ses débuts et ensuite a pris une direc­tion rock qui était un des choix édito­riaux tendance Manoeuvre. On peut très bien dire que Marge­rin était moins Métal dans ce cas là. Parce que la ligne claire, c’est aussi un héritage BD porté notam­ment par Métal avec Chaland.

  4. Dacodac, mais je le place­rais quand même plus dans la famille Avril-Petit Roulet-Swarte-Gotting-Ever Meulen (…) que dans la famille Humanos. Le lien avec Chaland est bien sûr majeur et évident, mais les deux parcours, et les résul­tats, sont comple­te­ment diffé­rents. Je trouve que Clerc est beaucoup plus typé graphisme et années 80/​90 que ”simple­ment” BD, que ce soit Humanos ou autre (et c’est pas forcé­ment un bien en ce qui nous concerne). Mais bon hein.…

    (Et à propos, il y a eu du Ever Meulen dans Metal ?)

    • @Olivier R : il fait un peu la transi­tion entre les deux familles. Il y a peut-être eu des illus­tra­tions dans Métal mais je n’en suis pas sûr à 100% – au moins pour parler des livres sortis.

  5. J’ai jeté un oeil, sauf un récit de 4 pages en 1979, pas de Ever Meulen dans Métal recen­sé sur bdoubliees​.com (site fiable s’il en est !).

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