Zil Zelub (Guido Buzzelli – Éditions du Square/​Charlie Spécial 2)

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Il faut que je l’avoue ici, je n’avais jamais acheté un album de Guido Buzzel­li (1927 – 1992). J’en ai croisé un paquet dans ma jeunesse chez les bouqui­nistes, mais je ne savais pas trop quoi en penser : ce trait rageur, ces femmes inquié­tantes, ces hommes en souffrance ne me parlaient pas et m’angois­saient quelque peu. Mais vu l’actua­li­té BD incroyable du moment, je me suis dit que je pouvais en profi­ter pour explo­rer les albums que j’avais loupés par le passé.

Trouvé par hasard au Salon Disque et BD d’Orléans, Zil Zelub est un recueil de quatre histoires courtes noir et blanc publiées dans Charlie Hebdo.
La première, Zil Zelub (anagramme de Buzzel­li), raconte l’his­toire d’un musicien qui se réveille un matin avec tous les membres de son corps qui n’en font qu’à leur tête et vadrouillent chacun de leur côté. Zelub consulte un ami docteur qui l’envoie chez un spécia­liste qui échoue dans sa tenta­tive de le remettre en ordre. Il finit par être récupé­ré par un person­nage trouble qui exploite son côté sombre et ne parlons pas d’oiseaux en plastiques à l’haleine détes­table.
C’est une histoire fourre tout au fort carac­tère onirique et symbo­lique qui parle de thèmes de l’époque – toujours d’actua­li­té : pollu­tion, terro­risme, mal-être, socié­té en déliques­cence. J’ai été un peu pertur­bé par le fait qu’il y ait deux parties distinctes : dans la première, Buzzel­li s’amuse avec son person­nage dépas­sé par son état physique et confron­té à des pulsions qui le dépassent – notam­ment sexuelles – et une seconde partie plus confuse. Les motiva­tions des personnes qui entourent le héros sont très datées politi­que­ment (en résumé, la politique de désta­bi­li­sa­tion à coup d’assas­si­nats et de bombes menées en paral­lèle par l’extrême gauche et l’extrême droite dans l’Ita­lie des années 60/​70 censée amener l’émer­gence d’une nouvelle socié­té – un concept bien foireux à mes yeux).

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Suivent trois histoires plus courtes. Un type angélique voit un type affublé d’ailes d’ange et d’un carac­tère d’ange – les gens qui s’approchent de lui sentent monter en eux bonté et repen­tance – ce qui n’est pas sans lui poser des problèmes de couple puisque sa femme culpa­bi­lise au lieu de lui faire l’amour. Son patron voit en lui une bonne occasion de lancer un nouveau produit et tout ça finit très mal.

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Le métier de Mario est scéna­ri­sée par Alexis Kostan­di : un petit homme soigné est l’amant tarifé de femmes qui ne peuvent pas espérer trouver un homme normal à cause d’un physique hors norme et qui adorent leur homme prosti­tué. Lequel rêve d’un rapport aux femmes diffé­rent. La chute est d’un humour très noir.

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L’inter­view est l’his­toire qui m’a le plus plu. Alors qu’il travaille la nuit dans son atelier, Buzzel­li voit débar­quer des person­nages étranges qui se disent extra terrestres et qui veulent l’ame­ner avec eux. Le dessin est très sophis­ti­qué avec un travail de hachures remar­quable et le côté onirique n’a pas perdu de sa force.

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Ce premier album a confir­mé ce dont je me doutais déjà : le carac­tère unique et impres­sion­nant du travail de Buzzel­li qui met un dessin réaliste fiévreux au service d’his­toires étranges et symbo­liques qui ne peuvent pas laisser indifférent.

Si vous avez d’autres Buzzel­li à me conseiller, je suis intéressé.

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33 commentaires

  1. Mais comment as-tu pu passer à coté de ça ? ? ?
    HP et La Révolte des ratés sont à lire impéra­ti­ve­ment. (et toi à te relire ça femme, tsss)

  2. Perso j’ai ”Démons” , éditions du fromage 1980. Pas relu depuis ces années-là… Vais m’y remettre, m’en souviens plus du tout. A la fin, sur la couv. ils indiquent aussi ”La révolte des ratés” aux Editions du Square, et ”Aunoa” aux Humanos…
    Salut Li-An et Totoche ;-)

    • Oula, c’est le retour des Grands Anciens sur ce billet. La révoltes des ratés est le premier album publié en France il me semble. Il y a un billet très complet de Gilles Ratier sur l’œuvre de Buzzel­li quelque part sur le Web.

  3. Ah,mais je suis le seul à ne jamais l’avoir réelle­ment ”lu”?Mais beaucoup regardé,avec intensité.
    La même année que ”La révolte…”,il y avait Nevada Hill (Dargaud).Avec Gourmelen.
    Pas lu,évidemment.
    Un articu­let cruel de T.G. disait:”auteur de bandes dessi­nées quelque fois génial,Buzzelli a préfé­ré devenir un mauvais peintre.”
    Les références politiques chez un Breccia par exemple ont bien vieilli.L’Italie est ‚je crois,un cas isolé;et passionnant.
    (Bonjour aux grands anciens.)

    • J’ai un peu de mal à imagi­ner ce qu’il pouvait réali­ser comme peintures. Mais on sent le peintre dans le dessi­na­teur – comme chez Follet.

  4. Ben v’là, relu ”Démons”. Ca ne casse pas des briques!…
    Acheté ça sûrement dans une boutique de bouquins d’occase à l’époque. Les scénars volent un peu au ras des pâque­rettes, et le graphisme est très brouillon, moins affir­mé que dans ce que tu nous montres plus haut. J’ignore à quel époque a commen­cé vraiment Buzzel­li, mais là ça sent la période de recherche perso à plein nez. J’étais abonné à Charlie mensuel vers 77, 78, me semble-t-il. J’ai le vague souve­nir qu’il devait y être invité parfois. A vérifier.
    Bref, je ne te conseille pas ”Démons”si tu tombais dessus.
    (Salut à l’ancien nouveau Julien)

    • C’est pour ça que j’ai posé la question. D’après mes souve­nirs, tout n’est pas génial dans Buzzel­li. Et comme je ne peux pas tout acheter…

      Il a publié un peu partout à l’époque avec quand même une préfé­rence pour le Charlie.

  5. Envie de voir l’ami Guido à l’ oeuvre ? Le voici dans l’émis­sion Tac-au-tac, en 1975, réali­sant une planche BD grand format avec deux autres comparses. J’ai dû le voir à l’époque, je ne ratais pas cette émission en général, jeune étudiant et élève des Beaux-Arts que j’étais. Ici :

    • Intéres­sant de voir comment Buzzel­li attaque ces dessins, un peu à la Giraud – alors que ses comparses sont plus classiques.

  6. Salut, tu es sûrement déjà au courant, vient de paraître
    Lire Hors-Série n°19 spécial Franquin :
    ici

    Pour en revenir à Buzzel­li ”La Révolte des Ratés” m’avait bien plu à l’époque mais 40 ans après qu’en reste-t’il ?

    • Je n’achète pas les Hors-Série et autre numéros spéciaux qui sont en général à desti­na­tion du grand public et n’apporte pas grand chose – ils finissent par moisir dans ma biblio­thèque mais merci pour l’info.

      Si Franquin reste d’actua­li­té, pourquoi pas Buzzel­li.

  7. HP est incon­tour­nable, La révolte des ratés et L’Agnone sont très bons, avec ça tu tiens le trio d’incontournables. Il a fait beaucoup d’his­toires courtes dans Charlie Mensuel dans les années 70 avec des hauts et des bas mais le dessin est toujours intéres­sant, du bon western avec Nevada Hill. Je dois avoir aussi Aunoa et L’Homme du Bengale dans ma biblio mais pas relus depuis longtemps donc pas de souve­nirs précis pour ces deux derniers.

  8. Le côté ”daté”, comme tu dis, de l’agnone par exemple, n’enlève à mon avis rien à la quali­té de l’his­toire et rajoute au contraire un charme indis­pen­sable en nous parlant de l’état d’esprit de l’auteur et de son époque, un peu comme quand on revoit ces vieux films italiens. Il y a là une patte certai­ne­ment inimi­table, un vrai style. On a l’impres­sion de lire un truc qui doit se passer à ce moment là, de rentrer dans le cerveau du mec, pas de lire un truc asepti­sé. Et tout ça, sans que ce ne sente le moisi non plus. (L’avan­tage c’est qu’on ne dit pas que c’est de la Bd parisienne ;-) )

    • Et la BD italienne, c’est presque que du cul :-) Ah, c’est sûr, je parle moins de BD mais peut-être parce que j’en trouve moins à mon goût aussi.

  9. Enten­du dans un salon cet été : ”le blog de Li-An ? J’y vais moins : il parle moins de BD !” ;-)
    ces chasseurs de dédicaces sont terribles ! Et Promis, c’est pas moi qui l’ai dit !

  10. C’est peut-être parce que je suis devenu normand. Mainte­nant j’ai plus de culture sur les pommes. Je fais même mon jus de pommes, c’est dire…

  11. Non heureu­se­ment ! Ca m’emmerde même en plus, d’avoir à ramas­ser les pommes d’une cinquan­taine d’arbres avant chaque tonte de pelouse, à la saison ”pommiesque”.
    *Il a raison Totoche, on ne parle plus BD ici… :-)

    • Vous voulez plutôt dire ”personne ne commente les nouveau­tés BD que je chronique” puisque c’est le silence radio quasi sur le Passion de Dodin-Bouffant, une fort bonne BD où on doit trouver des pommes en cherchant un peu.
      Pour vous faire causer, il faut que je sorte de vieux albums.

  12. Tu ne sors pas ou quoi ? Tout le monde parle de ce bouquin. On n’arrête pas de me le conseiller. Même Ron a appré­cié, c’est dire : du coup je me méfie.
    Une inter­view de Mathieu Burniat chez Express BD :

  13. Guido Buzzel­li reste un dessi­na­teur passion­nant. J’essaie de monter une ( petite) exposi­tion pour 2015 . Si il y a des amateurs quelques dessins sont présen­tés sur mon site.

    • Si j’ai l’occa­sion, j’irai voir ça avec curio­si­té et en effet, on m’a orien­té vers les quelques dessins de la galerie.

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