Dans un souci de démocratie ouverte, après les scénaristes, les dessinateurs et les coloristes, il était temps de donner la parole aux éditeurs. Gargantua est une petite et récemment fondée maison d’édition dont les cofondateurs, Marc Lizano et Joël Legars, sont aussi dessinateurs/auteurs. Ils se démarquent des autres petites maisons par une approche plus surprenante et un début de catalogue très varié. Ça m’a donné envie de creuser un peu la chose.
D’où vient le nom ”Gargantua” ?
Marc Lizano – Il y a comme une connexion entre mes envies, celles de Joël et ce que nous cherchions comme nom d’une maison d’édition. D’abord, à la Fédération française de Comix, nous avions une petite collection de nouvelles illustrées qui s’appelait la petite bibliothèque de Maître Pantagruel, Gargantua est aussi un personnage qu’on ne retrouve pas que chez Rabelais puisque Joël en a retrouvé (pas dans l’annuaire bien entendu) du côté d’Erquy, mais dans d’autres endroits en France, où l’on trouve pas mal de légendes avec des ogres ou des géants, comme on trouve des dames blanches aux quatre coins du pays… Et puis, nous souhaitions un nom qui permette d’associer nos envies de livres illustrés, une image un peu littéraire de l’édition, mais associée avec un côté toujours très visuel, comme peut l’être l’œuvre de Rabelais. C’est une littérature ancienne, ancrée dans l’imaginaire et elle est peu lue finalement, elle reste très étudiée. Le plus étonnant , c’est peut-être qu’il n’y ait pas déjà eu une maison d’édition avec ce nom.
Joël Legars – Dans mon esprit, Gargantua est même un des premiers piliers de la littérature française, avec ça, on lui associe tous des valeurs d’abondance, d’audace, de liberté, de force…
Vous êtes deux, Marc Lizano et Joël Legars, à l’origine de Gargantua. Comment s’est fait la rencontre et pourquoi une maison d’édition ?
ML – Nous nous connaissions comme dessinateurs, avons partagé un atelier sur Rennes et avons le même goût pour le livre, avec parfois les mêmes goûts pour certains titres. Après la petite expérience en micro édition associative avec aussi François Ravard, nous souhaitions prolonger l’aventure avec la création d’une maison d’édition, avec un réseau de diffusion et de distribution pro (convenable). Ce qui est le cas aujourd’hui…
JL – En fait, il y a un tas de raisons qui nous ont poussé à faire le pas. L’indépendance éditoriale évidemment, mais aussi l’envie de voir certains types d’ouvrages dans les librairies. Marc, comme moi, avons un penchant pour la littérature illustrée à ”l’anglo-saxonne”, c’est-à-dire une littérature illustrée qui ne se borne pas à la jeunesse, mais à tous les publics. Nous avons pour projets, par exemple, dans les mois à venir, de publier des nouvelles qui seront mises en image par de talentueux illustrateurs.
Quels sont les objectifs de Gargantua, combien comptez-vous sortir de livres par an (si c’est programmé) ?
ML – Nous avons une petite structure, mais il y aura une vingtaine de livres tous les ans. Il faut dire aussi que nous avons une collection de petits formats jeunesse, évidement plus facile à mettre en place qu’un récit de bande dessinée de forte pagination, que nous publierons par ailleurs…
JL – Nous avons déjà une multitude de projets, la difficulté est de ne pas nous laisser tenter par trop de belles propositions, mais de garder notre cap.
Comment vous situez-vous par rapport aux grandes maisons d’éditions et aux petites ?
ML – Comme un petit éditeur qui débute, avec des envies de livres assez précises et un travail à notre échelle, c’est-à-dire assez modeste. Une ligne éditoriale autour des livres d’images, soit des livres illustrés, des bandes dessinées et quelques artbooks en projet.
JL – L’image restera au centre de nos publications avec l’ambition, par ce biais, de donner à lire ou/et à découvrir de beaux textes si possible à un large public.
Est-ce que l’on peut vous envoyer des projets ?
ML – Bien entendu. Ensuite, c’est limité à nos possibilités de publications, à nos goûts, puisque nous n’aurons pas la nécessité de publier ”juste” pour alimenter la machine.
Quels sont vos goûts personnels ?
ML – Ah ben en vrac, ça va de LCDSoundstem aux Wedding Present, en passant par par ou Dominique A en musique en ce moment, Coloane ou certains feuilletonistes du début XXème.
Coté image, c’est très vaste entre Chas Addams, Sempé, de Stæl, Henri Rivière, Mathurin Méheut.
JL – Côté beaux-arts, Soutine, Dubuffet, Villeglé… et du dessin, Sempé, Avril, Wyeth… De la littérature, Modiano, Bove, Simenon, Dostoïevski…
Quels gens aimeriez-vous publier ou auriez aimé publier si ça n’avait été déjà fait ?
ML – Les vents dominants de Wauters etChapron, Blutch ou David B..
Gary Larson, ça aurait été bien mais c’est très cher. Et puis Macherot aussi bien sûr. Il y en aurait tellement là aussi.
JL – Gary Larson, c’est sûr, mais tellement de belles choses en fait… Chlorophylle… L’ascension du haut mal… Le cirque Flop de Petit-Roulet et Martiny… Catherine Certitude… Chester Brown, David de Thuin, etc…
Est-ce qu’il y a des projets ”spéciaux” dont vous aimeriez parler ?
ML – Précisément ? Entre ce qui ne se fera pas, ce qui n’est pas encore signé, c’est difficile. J’ai envie d’une collection de livres avec collaboration avec des musiciens (Dominique A et David Gedge seraient les premiers), une collection de nouvelles illustrées qui va démarrer à la fin de l’année et un projet pas signé autour de quelques inédits d’un illustrateur disparu qu’on adore, pour un projet inachevé qui serait écrit par un auteur jeunesse avec qui j’ai déjà publié, dont les illustrations seraient complétées par un autre illustrateur contemporain qu’on adore et qui tient le premier (le disparu) pour une de son influence majeure. Ça irait plus vite de donner les noms, mais ça ruinerait mon teasing en fait : ). Puis, d’autres idées encore vagues ou de l’ordre du fantasme.
JL – Hélas ! On ne va pas tout dévoiler… En tout cas, la collection de petits formats pour la jeunesse sur laquelle nous travaillons en ce moment m’enthousiasme ; Jean-Christophe Mazurie, Yannick Thomé, Delphine Priet-Mahéo, pour ne citer qu’eux, nous ont apporté de très beaux projets.
- le site des éditions Gargantua : http://www.editions-gargantua.fr
Bravo et grand merci pour cette initiative Li an!!!
Et bonne route à GARGANTUA !
En espèrant qu’ils ne vont pas tout écrabouiller sur leur passage.
Nous sommes trop délicats pour ça : )
C’est ce que disent tous les géants après être passés sur la ville.
C’est plus de l’auto-édition que de l’édition le côté ”on publie nos trucs et ceux de nos copains”, mais ça marche partout comme ça.
Une remarque qui me parait un peu étonnante : toutes les petites structures éditoriales ne publient que ce qu’elles soutiennent. Je ne vois pas l’intérêt de publier un inconnu dont elles n’apprécieraient pas le travail… Et si elles l’apprécient, elles vont le publier si elles en ont les moyens. Non, je ne vois pas vraiment où vous voulez aller comme ça…