Alors que je digérais la mort de Moebius, je suis tombé par hasard sur le Net sur un hommage à Mozezli qui est décédé… en 2010. J’avoue que ça a fait plus que l’effet de la double lame des fameux rasoirs mais plutôt quatre lames et un burin.
Pierre-Louis Mangeard, je l’ai rencontré à St Denis, rue de la Victoire, à l’étage d’une librairie où il remettait à jour le rayon BD/SF/Polar. Il soldait un paquet de BD – il n’y avait pas de retour pour les livres métropolitains à la Réunion et pendant longtemps, les librairies regorgeaient de trésors introuvables – et j’en ai profité pour acheter quelques Humanoïdes Associés qui manquaient à ma collection genre Les Mémoires de l’Espion ou Une nuit au Macambo de Serge Clerc.
J’ai rarement rencontré un type aussi étonnant. Non seulement il était impressionnant physiquement (il faisait de la musculation) mais semblait tout connaître sur la BD, la SF (ce qui était en fait le cas) et le roman policier et nous avons entamé des discussions passionnées surtout qu’il n’aimait pas beaucoup avoir tort. Le Margouillat était en pleine formation et je lui ai proposé de venir écrire dans nos pages. Il a donc pondu des articles scientifiques, des réflexions SF et des textes étranges. Lorsque je suis rentré à La Réunion en tant qu’enseignant, il présidait aux destinées de la médiathèque de St Pierre et nous avons repris nos discussions enfiévrées une fois qu’il m’eut convaincu que ça valait le coup de me remettre à lire de la science fiction avec toute une jeune génération qui débarquait (Banks, Simmons…). Il s’était pris de passion pour l’informatique et la programmation (on parle d’une époque où le lecteur CD débarquait sur PC et où Amiga semblait le comble du chic pour jouer) et il avait programmé un jeu de morpion de qualité professionnelle.
Dans sa maison, une seule pièce était climatisée : la bibliothèque où trônait sa collection de bouquins SF à l’hydrométrie soigneusement contrôlée. Je me rappelle aussi d’une virée au collège de Cilaos où nous sommes intervenus devant une classe pour parler BD, improvisant sur le chemin notre future conférence pour finalement nous disputer sur l’importance du scénariste devant des élèves interloqués et ravis.
Après mon départ en métropole, nos rencontres se sont faites rares. Il s’est retrouvé en procès avec la mairie de St Pierre, en attente d’une solution. Son énergie inventive l’ont amené à créer un moteur de mots croisés (feu drmox.com), à monter une boutique en ligne consacrée aux livres de science fiction et il m’avait envoyé plusieurs nouvelles SF complètement scatologiques en s’étonnant de ne pas trouver d’éditeur. J’avais l’impression que ces derniers mails dataient d’à peine quelques mois… Je ne pourrais donc pas commenter avec lui le dernier recueil du Cycle de la Culture où rigoler du délire de L’écorcheur de Neal Asher. Ça va me manquer…
L’hommage se poursuit demain avec la publication ici-même de son fameux texte Chercher la petite bête – Le cafard : un mammifère bien sympathique.
Internet ou le retour des morts-vivants
À la recherche d’infos sur le Web pour étoffer mon hommage (un texte paru dans Cyberdreams 11, une citation en rapport avec une nomination pour un prix moucate chez Bifrost…), je tombe sur un dessin de moi qui lui est attribué (une commande de l’U3P) et une apparition dans la fameuse encyclopédie mondiale du cinéma, l’IMBD. Un peu interloqué, je jette un oeil et je découvre que mon gars Pierre-Louis a fait de la figuration dans un navet de première grandeur appelé Remous, un film de Benjamin Jules-Rosette tourné à la Réunion et sorti en 1986. Coup de chance, il existe une image du film où il apparaît en gros bras raciste.
- le bel hommage sur Édible Poison : http://www.ediblepoisons.blogspot.com/2010/11/il-ne-faut-jamais-se-laisser-abattre.html
- chronique de Remous sur Nanarland : https://www.nanarland.com/chroniques/nanars-a-main-armee/crimes-et-delits/remous.html
J’ai appris avec une grande tristesse la disparition de Pierre-Louis Mangeard, un ami des ”années lycées” que j’avais rencontré dans les années 70 à Poissy.
Nous partagions le même intérêt pour la Science Fiction et avions découvert ensemble les ”classiques” de ce genre littéraire qui sortait à peine de l’Enfert éditoriale. Les collections ”Présence du Future”, ”Fleuve Noire”, Opta, J’ai Lu, avaient de plus en plus de lecteurs et les premières librairies spécialisées commençaient à apparaître, notamment de ”Temps futurs” que fréquentait assidûment Pierre-Louis.
Notre ami était également à la recherche de ”pulps” US chez les bouquinistes. Je crois me rappeler qu’il était très fier d’un Weird Tales conservé sous plastique.
Avec deux autres copains branchés BD, nous avions esquissé le projet d’une convention BD/SF à Poissy, mais le BAC approchait à grand pas …
La dernière fois que j’ai revu PLM, ce fut dans le train qui l’amenait à l’aéroport : il partait avec ses parents à la Réunion, à priori pour une année de ”break” avant d’envisager un cursus dans une fac ou autre.
Bien des années plus tard, j’ai repris contact avec PLM par le biais d’Internet. Nous avions échangé quelques mails où il me faisait part de son intérêt pour la culture réunionnaise. J’avais été très impressionné par le fait qu’il ait appris le créole et par son engagement dans la culture réunionnaise.
Et puis, pris dans ma vie professionnelle et familiale, j’ai à nouveau perdu ses coordonnées et c’est en effectuant une nouvelle recherche que j’ai appris cette triste nouvelle.
Que dire de plus, sinon que je garde de notre ami un souvenir fort et durable.
Joël Tetard
@Tetard : merci pour ce témoignage. Visiblement, si j’en crois les différentes personnes qui me contactent à propos de Pierre-Louis, il a marqué ceux qui l’ont croisé. Mais le contraire aurait été étonnant…