Je viens d’apprendre la mort d’André Pangrani et les lecteurs les plus assidus de ce blog reconnaîtront le rédac-chef du Cri du Margouillat puis du Margouillat pendant des années. Et le créateur de la revue littéraire Kanyar. Et un vieil ami d’il y a 30 ans.
Il était une fois, à la Réunion, des étudiants amateurs de Moebius qui se sont rencontrés par ami interposé. Un copain du collège de l’époque du Tampon m’avait présenté André et Gontran Hoarau – dit Goho – tous les deux fans de BD et de Moebius en particulier (Goho était plutôt Giraud). On a bien discuté et quelques jours après, ils sont passés à la case pour qu’on aille ensemble voir l’expo Rock et BD qui allait marquer la naissance du Cri du Margouillat – c’est autour de cette expo que tous les fondateurs du Cri se sont croisés et ont décidé de créer le magazine.
André, j’aurais dû le connaître plus tôt puisqu’il était inscrit en DEUG de sciences comme moi sauf que c’était le cinéma qui le branchait vraiment et il séchait allègrement les cours de la fac. Il était fan du cinéma de Godard et des bouquins de Vian – ses premiers feuilletons dans la revue en sont imprégnés.
Cette année là, je me rappelle l’émission de radio qu’il faisait à l’ancien hôtel de ville où je passais rigoler avec lui et Gontran, la peur bleue qu’ils ont eu quand il m’ont encouragé à prendre le volant juste après mon permis, un lever de soleil sur St Pierre alors qu’il était allé retrouver une copine dans une boîte de nuit sur le front de mer et qu’il a mis des heures à en sortir…
On a toujours beaucoup discuté – il était aussi disert que moi – sur la BD, Moebius, le cinéma et la littérature (il avait décidé de lire les textes anglo-saxons sans passer par la traduction française) – par courrier, au téléphone quand je l’appelais pour savoir où en étais le Margouillat dans ses dates de sortie. Il avait une ambition folle pour le Cri qui aurait pu se contenter de rester un fanzine BD et l’a transformé en journal satirique et culturel de belle tenue, nous poussant à aller dans des directions que nous n’aurions pas imaginé.
Après le deuxième festival Cyclone BD, il a saturé et est parti rejoindre sa belle à Paris. On s’est un peu perdu de vue, on s’est fâché très bêtement – vraiment pour des broutilles. Et on s’est revu au dernier Cyclone que j’ai fréquenté, en passant une partie de la nuit à discuter comme dans notre jeunesse, dans sa voiture, devant l’hôtel.
Il voulait que j’écrive un texte pour Kanyar et je n’ai jamais trouvé quoi écrire de suffisamment satisfaisant.
Il pensait, à la sortie de Like a Virgin, que Madonna allait faire une grande carrière alors que j’étais persuadé qu’elle était la chanteuse d’un tube.
Je lui ai offert un jour un bouquin qui reprenait séquence par séquence À bout de souffle illustré par des images du film. Il était bien embêté.
Je me rappelle de lui se démenant comme un beau diable pendant le premier Cyclone qu’il portait à bout de bras, emballant des paquets pour les invités, le téléphone à l’oreille, s’inquiétant des arrivées d’avion et des albums bloqués à la douane et, moi, spectateur impuissant lui demandant si je pouvais aider…
Il était tout jeune grand-père depuis juillet, il laisse une fille toute jeunotte qu’il ne verra pas grandir. On avait le même âge à quelques semaines près…
Collaborations
J’ai illustré de nombreux textes d’André – dont ses feuilletons – qu’il signait souvent sous pseudo (Alfred Lénine ou Anpa) mais aussi quelques scénarios.
Notre première collaboration apparaît en quatrième de couverture du Cri n°1 où il me sort à l’arrache une idée de ”gag”.
Jean-Paul Sombre à Cannes (CdM n°2)
Pour le numéro 4, je reprends un scénario d’André qui se passe… à Cannes. Comme il défendait vigoureusement Serge Clerc contre Chaland à l’époque, je le dessine vaguement à la Clerc et André sert de modèle au personnage principal.
Le Cri du Margouillat n°9
À la recherche de scénario, j’extorque à André un texte à illustrer. En sort un truc explosé dont je suis toujours plutôt fier. Il faudrait que je redessine comme ça un jour.
https://www.li-an.fr/le-cri-du-margouillat/le-cri-du-margouillat-n‑9/
Noël kérosène
Un petit conte de Noël un peu Métal Hurlant où on découvre que la BD fait les enfants heureux…
https://www.li-an.fr/comic/noel-kerozene-14/
Nanofiction
Pour le numéro anniversaire du Cri du Margouillat à venir, on a trouvé que ce serait une bonne idée qu’André y trouve sa place. J’ai parcouru les Nanofictions qu’il avait postées sur Facebook et j’en ai choisi une impossible à adapter en BD mais qui avait l’avantage d’être courte. Je lui ai envoyé la version définitive hier, qu’il n’a pas dû voir. Mais Appollo lui avait fait parvenir un scan pas nettoyé quelques jours avant et il était content que j’ai choisi ce texte…
Vous pouvez lire ces Nanofictions ici : https://www.facebook.com/Nanofictions-419286231572243/?ref=ts&fref=ts&__mref=message_bubble
Kanyar
J’ai déjà posté un essai de couverture pour la revue Kanyar. J’avais fait une autre proposition qu’André avait trouvé un peu trop triste…
Je me sens triste en arrivant en bas de cette page.
Je ne suis pas sûr que ce soit la faute au projet de couverture.
On est tous triste. C’était un sacré camarade cultivé et drôle.
J aurais pu lire tes/vos anecdotes encore longtemps. Ça me donnait le sourire. Parce que là, j ai franchement un noeud au ventre.
Il faut garder le sourire. André préférait le côté ensoleillé de la vie.
Adieu André.
Ça donne presqu’envie de croire au paradis des porteurs de chapeau…