À propos de JC Mézieres

Mais ça fait plus de vingt ans que je n’ai pas acheté un Valérian. Je suis tout mou, je ne vois pas trop quoi dessiner.

Lorsque j’ai appris le décès de Mézières, aucun dessin d’hommage n’est venu sponta­né­ment. Pourtant, son travail fait partie de mon ADN BD SF franco-belge. Mais… Mais…

Qu’est-ce qui m’a marqué dans cette série que j’ai pourtant décou­verte à 12 ans ? Laure­line en pute SM super bandante ? Non, les gens vont être choqués. Allons plutôt lire ce que Wikipé­dia dit là-dessus. Ah, merde, un vrai tissu de louanges humides de fan éperdu avec même Stan Barrets qui pleure comme une Madeleine. Il est bien loin le temps de Métal Hurlant. « Valérian et Laure­line c’est l’archétype origi­nel d’où tout procède. ». Après ça on peut mourir tranquille.

Au début étaient les pulps

Comment un amateur de SF comme moi, un auteur de BD qui voulait « faire de la BD de SF », a pu passer à côté d’une telle révéla­tion ? Ben, Valérian, je trouvais ça sympa mais sans plus. Ça ne me donnait pas parti­cu­liè­re­ment envie de dessi­ner ou de racon­ter des histoires. En fait, je crois que j’ai été plus marqué par le Scrameus­tache que par Valérian. C’est qu’il foutait les chocottes le Scrameus­tache, avec son casque qui trans­for­mait les gens en statues de sel. Si on tombait à l’eau, ON POUVAIT FONDRE ! Mon problème avec les scéna­rios de Chris­tin, c’est qu’il y avait un message à la fin. Prenez L’Ambassadeur des Ombres, le premier Valérian que j’ai acheté. On découvre plein de créatures extra-terrestres rigolotes, on galope, on se tire dessus, on se trans­forme en servante de deux tonnes et voilà que des Bolche­viques viennent gâcher la fête… Je n’aime pas beaucoup les histoires à message, ça me rappelle toujours un peu l’école.

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Influen­ceuse de l’Espace


Je râle, je râle, mais j’aimais bien l’univers dévelop­pé par Mézières, son goût des décors grandi­lo­quents, le fait que l’on flirtait avec la fanta­sy telle­ment on s’en fichait des réali­tés scien­ti­fiques et j’ai acheté ses albums jusqu’aux incon­tour­nables Métro Châte­let direc­tion Cassio­pée/​Brook­lyn station termi­nus cosmos. En ramenant Valérian sur notre bonne vieille Terre du XXème siècle, Mézières se montrait aussi à l’aise en dessi­nant le monde contem­po­rain que dans ses créations SF. Voire plus. Ces deux albums construits de manière très origi­nale avec les dialogues omnipré­sents d’une Laure­line enquê­trice SF et un Valérian en plein jetlag tempo­rel et complè­te­ment paumé permettent aux deux héros de prendre une dimen­sion humaine inédite dans la BD franco-belge. Malheu­reu­se­ment, cette réussite s’est révélée insur­pas­sable. La série a rapide­ment cessé de m’intéresser, s’est mise à recycler des person­nages secon­daires qui semblaient surtout là pour faire plaisir aux fans et les clins d’œil me semblaient lourdingues.

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La Caravane de la Liber­té des Étoiles

La SF sans la SF

Un autre problème, c’est qu’en paral­lèle je lisais de plus en plus de science fiction et Valérian et Laure­line semblaient jouer quelque peu petit bras à côté des abîmes verti­gi­neux que me procu­raient la litté­ra­ture du genre. La SF de Mézières est très influen­cée par ce qu’il a connu dans sa jeunesse et il a lui-même décla­ré qu’il a arrêté d’en lire en débutant la série pour ne pas être influen­cé. Il est donc passé à côté de Dune et ça se sent quelque peu. J’ai un copain qui m’a fait le coup de « Valérian, la plus grande série SF en BD ». Un type qui n’a jamais lu un roman SF de sa vie, évidem­ment.
Mézières a lui-même alimen­té une polémique qui voulait que Star War ait repom­pé une partie de Valérian. Ça ne m’a jamais vraiment convain­cu, les deux univers tapant dans les mêmes références visuelles des pulps des années 1930/​1940 en profi­tant à fond de l’exotisme et les fantasmes graphiques de cette époque mais sans non plus chercher à la bouscu­ler. Ce que fera avec énergie Métal Hurlant, une aventure que Mézières a juste effleu­rée. Il n’était pas trop partant pour les aventures BD le gars Mézières. C’était un peu Valérian/​boulot/​dodo. Il aurait pu tenter des choses – il avait le talent graphique pour ça – mais à part une espèce d’encyclopédie, quelques pubs, quelques objets, l’amateur n’a finale­ment pas grand chose à se mettre sous la dent.

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Regar­dez, j’ai sorti le balai

Franco-Belge for ever

Du coup, j’ai ressor­ti mon Les Extras de Mézières pour le feuille­ter. Un autre fan croisé sur le Web décla­rait « Mézières, c’est le meilleur illus­tra­teur de Jack Vance ». Ce n’est pas idiot. Ce goût du baroque, l’ironie des person­nages, cette fanta­sy pas ligne claire et bien incar­née. Sauf que si Mézières a arrêté de lire de la SF en 1966, je me demande ce qu’il a lu de Vance (pas le Cycle de Tschaï en tous les cas). Et ça marche pour quelques images éparses, on ne peut pas dire que ça m’ait sauté à la figure. Bref, je ne sais toujours pas trop quoi dire. Faut-il célébrer le dessi­na­teur SF qui a réussi à imposer dans l’univers franco-belge une série space opera à une époque où la science fiction restait un sous-genre un peu mépri­sé  ? Regret­ter qu’il se soit conten­té d’une esthé­tique très classique au final qui restreint la SF à une vision specta­cu­laire mais rétro et qui a fini par se répéter quelque peu ?

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Tourisme sauvage

Copinage à tous les étages

Ce billet aurait proba­ble­ment été très diffé­rent si j’avais rencon­tré Mézières en vrai. Je sais qu’il accueillait chez lui de jeunes dessi­na­teurs pour prodi­guer conseils et avis avec beaucoup de généro­si­té – des amis à moi ont eu cette chance. Discu­ter avec lui un après-midi m’aurait incité à plus d’enthousiasme. J’aurais aimé décla­rer ma flamme à Mézières, clamer mon admira­tion, dire à quel point il m’a inspi­ré. À la place, j’ai des souve­nirs heureux de lecture. C’est déjà beaucoup.

Mon hommage

Pour mon dessin hommage, j’ai décidé de pousser la logique des rapports Laureline/​Valérian.

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12 commentaires

  1. ”J’ai un copain qui m’a fait le coup de « Valérian, la plus grande série SF en BD ». Un type qui n’a jamais lu un roman SF de sa vie, évidem­ment.” Ah ce n’est pas moi, pour une fois !

  2. Ah ben tu m’apprends son décès ! Ici à Maurice je n’ai pas toutes les nouvelles de France. Je suis chagrin du coup. Valérian a été l’une de mes premières BD de sf alors que j’étais encore au lycée. J’ai appré­cié son travail jusqu’au bout personnellement.
    Mais bon, comme d’hab, les goûts et les couleurs…

  3. Quel étonnant contraste entre le ton désen­chan­té du billet et la tendresse vibrante qui trans­pa­rait dans le dessin d’hom­mage… je me demande si, quand on dessine, on n’a pas toujours douze ans ?

    • J’avais oublié de mettre un lien vers l’image origi­nale. J’ai quand même un peu galéré à trouver une idée. Même Mézières fait des dessins assez bateau lorsqu’il faut repré­sen­ter ses persos hors contexte.

  4. Les meilleurs hommages sont toujours en demi-teinte.
    PS : ”Bienve­nue su Alflo­lol” , c’est ma madeleine. J’ai un peu lâché l’affaire après ”Métro Châte­let termi­nus cosmos” . Mais bon, c’est la vie.

    • Tu as arrêté au bon moment. Tes souve­nirs ne seront pas gâchés par des person­nages qui semblent cibler le public jeunesse plus qu’autre chose.

  5. Ton texte est un bijou,sincère assurément,et reflet proba­ble­ment partagé…Mélancolique Ne pas savoir que dire,être à sec…Une émotion,c’est aussi cela,non?ditJ’ai bien peur d’avoir lu et aimé ce bon vieux scrameustache…

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