Gus Bofa a pris une place importante dans l’histoire du dessin en France. Ses angoisses illustrées par un dessin charbonneux qui oublie la joliesse et exhibe les balafres du trait pas nettoyé restent parfaitement modernes.
Le monde de la BD (nouvelle génération post-1970) a découvert son travail avec la publication en 1980 chez Futuropolis d’un Gus Bofa l’incendiaire par Roger Bouillot – un ouvrage dont j’ignorais l’existence jusqu’à aujourd’hui. Le Seuil et Cornélius vont rééditer une bonne partie des ouvrages de Bofa dans les années 2000, une exposition à Angoulême en 2014 accompagné de l’ouvrage d’Emmanuel Pollaud-Dulian, Gus Bofa, l’enchanteur désenchanté, toujours chez Cornélius et chroniqué ici.
Noir, c’est noir
Cornélius continue son travail de réédition, mais cette nouvelle monographie signée Jean-Baptiste Delzant est publiée chez Michel Lagarde, le fameux galeriste parisien spécialisé dans l’illustration. Avec à peu près 360 pages dans un format moyen (23×17 cm), il présente des œuvres inédites ou peu connues. L’ouvrage est découpé en chapitres qui présentent un livre, une collection, un thème relié à la vie de l’artiste et des hommages/témoignages. Il se conclut par une bibliographie sélective qui fait baver.
Je ne vais pas en faire des tartines, c’est incontournable au vu de la richesse de l’iconographie inédite. Chez Bofa, il n’y a pas de « petit dessin ». Certains textes m’ont passionné, d’autres moins. Les témoignages retrouvés des amis et d’une nièce font le portrait de l’homme derrière le dessinateur. Et Delzant a glissé un petit texte revanchard d’un écrivain qui avait peu apprécié le dessin qui lui était consacré dans Synthèses littéraires et extra-littéraires. Un coup de méchanceté qui permet appréhender la façon dont une partie du public percevait Bofa – à tort ou à raison. C’est le genre de choses qui devraient être obligatoires dans les monographies. On est bombardé d’exclamations enthousiastes et de compliments alambiqués et un petit texte désagréable permettrait de se remettre les idées en place et d’éviter le syndrome du Grand Homme.
Hommage, ô désespoir
Une partie non négligeable du livre est consacré à l’héritage artistique de Bofa. Plusieurs auteurs, illustrateurs et autres personnalités y vont de leur petit texte avec quelquefois un dessin inédit de leur main et François Ayrolles ajoute huit pages consacrées à la vie de Bofa à sa collection de Moments clés. Le parti pris est intéressant, ancre le travail de Bofa dans le XXIème siècle et montre à quel point il est marquant pour beaucoup de dessinateurs et d’amateurs de dessin. Mais en même temps, les gros couillons comme moi beuglent « On s’en fout de votre avis, on veut du Bofa ! ». Oui, les gens peuvent être lourds…
En fait, je ne sais même pas s’il est encore disponible. Contactez éventuellement Michel Lagarde sur le site officiel https://www.michellagarde.fr/livre/3705/a‑la-recherche-de-gus-bofa-1883 – 1968.html