Bonne journée (Olivier Tallec – Rue de Sèvres)

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Voilà donc mon premier album acheté chez Rue de Sèvres et ce n’est pas un album BD.
Rappe­lons rapide­ment que Rue de Sèvres a été créé par Louis Delas en tant que branche BD de L’école des Loisirs – dont il est héritier – après un départ fracas­sant de chez Caster­man où il était PDG emmenant avec lui une partie de l’équipe édito­riale – j’ai un peu de mal à voir si Caster­man s’en remet vraiment.
Ce que j’ai vu sortir chez eux ne m’a pas parti­cu­liè­re­ment embal­lé, très dans l’air du temps avec comme accroche un Zep réaliste.

Bon, bref, passons à ce Bonne journée, un recueil d’illus­tra­tions d’humour ”peintes” d’Olivier Tallec. Je précise ”peintes” parce que ça me paraît une espèce de genre à part où le gag est accom­pa­gné d’une illus­tra­tion très soignée qui met souvent l’accent sur le décor aux couleurs très travaillées – le texte est expul­sé du cadre – pour donner une espèce de décalage ironique, ajouter du recul.

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J’ai un peu de mal à en deviner l’ori­gine exacte d’ailleurs. J’ai l’impres­sion que ça vient des Étas-Unis avec Mad et divers magazines améri­cains – dont Playboy qui s’en était fait une spécia­li­té – mais je ne jure pas que ça existât avant les années 50 dans les quoti­diens version dimanche. Il me semble qu’on en trouve dans Pilote – très inspi­ré par Mad de toute manière – et, en France, l’exemple qui me vient à l’esprit, c’est Kiraz dont l’humour me laissait perplexe dans ma jeunesse (je ne compre­nais pas l’inté­rêt de faire des images aussi sophis­ti­quées pour des gags qui me semblaient un peu débiles) mais Kiraz n’uti­li­sait curieu­se­ment pas son travail très riche sur la couleur pour appor­ter le moindre décalage avec le ”gag”. Ça appor­tait juste une touche de sophis­ti­ca­tion à un humour très inspi­ré des gags mettant en scène des jeunes Parisiennes – une grande tradi­tion française qui remonte à la Belle Époque et le dévelop­pe­ment de la presse – et qui ne volaient souvent pas très haut (on s’arrê­tait à la poitrine en général).

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Kiraz
Rowland Wilson
Rowland Wilson

Dans Spirou, Bom avait réali­sé toute une série de portrait de person­nages du journal en pleine page – à l’aéro­graphe, beuh – et Geerts des illus­tra­tions magni­fiques très inspi­rées de… Sempé.
Sempé est proba­ble­ment un des pères de ce genre d’humour en France mais, paradoxa­le­ment, surtout porté sur le noir et blanc. Mais le concept est philo­so­phi­que­ment le même – une image visuel­le­ment imposante pour accom­pa­gner un trait d’humour – elle se base chez Sempé sur le trait, un accom­pa­gne­ment plus classique pour le dessin d’humour qui à la politesse de ne pas essayer de se mêler à la Grande Peinture – ce que la nomenk­la­tu­ra kultu­relle appré­cie – tout en allant vers une certaine moder­ni­té dans le geste et l’éco­no­mie des moyens.

Geerts
Geerts
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Sempé et le New Yorker

De nos jours, je ne vois plus que Voutch a poursuivre dans cette voie en France – il faudra d’ailleurs que je pense à inves­tir pour voir s’il me fait rire – et aux États-Unis, certaines couver­tures du New Yorker même si c’est rare qu’il y ait un vrai gag.

Voutch
Voutch

Revenons à Bonne journée. Le livre est très agréable et on passe de l’humour noir au surréa­lisme. Certains gags sont assez ”faciles” et d’autres méritent d’infu­ser, d’être relus deux ou trois fois, comme s’il y avait une couche de compré­hen­sion à décou­vrir où on passe du sourire enten­du à un sourire ravi. Dommage que les gags portant sur l’enfance font un peu trop penser à Sempé pour certains. Visuel­le­ment, c’est plutôt sobre, assez illus­tra­tif sans ”esbrouffe”. C’est dommage parce que moi, j’aime bien l’esbrouffe dans ce genre de gag juste­ment. Quoiqu’il en soit, je suis très curieux de voir comment tout cela va évoluer.

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10 commentaires

  1. Finalement,le plus repré­sen­ta­tif de cet humour,et ce rapport texte-image demeure Gary Larson.Mais son noir et blanc l’exclue à jamais de ton excellent billet.
    Merci pour le Rowland Wilson.Une merveille.

    • En effet, Gary Larson est hors jeu ! Quant à Wilson, je serai ravi de voir un bouquin consa­cré à ses œuvres – il existe un livre sur son travail qu’il faut que je présente mais, paradoxa­le­ment, pas orien­té illustrations.

  2. Tout à fait d’accord, quand l’image est super travaillée, pleine page, couleur, etc, et que le gag tombe à plat, c’est horrible. Tout ça… pour ça ? À côté, l’effi­ca­ci­té de Larson, Kliban ou George Booth avec juste une ligne et du noir et blanc. Ce qui résume cette effica­ci­té pour moi c’est peut-être ce fameux dessin minima­liste de Shel Silver­stein, visible ici.

    • C’est ce qui fait juste­ment la diffi­cul­té de l’exer­cice : faire cohabi­ter une forme pas aussi adaptée au gag avec le gag. Parce que des super gagmen drôles et efficaces avec juste un trait, on en connaît des tonnes :-)

  3. Ben oui. Mais j’ai l’impres­sion qu’on perd toujours un peu en incisi­vi­té avec l’ajout de couleur, de joliesse. Même si le gag est excellent. Mais c’est compen­sé par la récom­pense de voir un beau tableau. Un autre plaisir.

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