Fondé en 1994, la magazine US Juxtapoz mélange allègrement street culture, illustration, photographie, tatoos bref tout ce qui bouge dans l’image avec un fond pop culture assumé, une espèce de grand mix qui va de la musique rock au comics en passant par les figurines et qui fonctionne bien aux États-Unis. Ils ont eu l’idée assez bien vue de regrouper les artistes qu’ils suivent dans des recueils par genre. Évidemment, je me suis plutôt intéressé à celui consacré à l’illustration. Très bien imprimé, il présente en une page l’artiste puis une douzaine de pages d’images. On y retrouve l’inévitable James Jean ou mon chouchou Tomer Hanuka mais j’ai été agréablement surpris par le travail de Aaron Horkey que je n’avais encore jamais croisé.
En fait, en feuilletant le livre, je me suis demandé pourquoi il ne semblait pas y avoir d’équivalent en France, le pays qui digère toutes les influences. Déjà, on peut remarquer que ces artistes se baladent sur tout le spectre de l’édition d’images. Ils peuvent réaliser des couvertures pour Newsweek, des affiches rock ou designer des skate boards, tout cela à la fois. La scène rock indé US est une grosse consommatrice d’images, notamment par le biais des affiches, flyers etc… Je ne connais pas d’équivalent en France où les dessinateurs sont en général invités après la bataille cf. Sfar pour Dyonisos ou Tardi à une époque. Des gens comme Blanquet ou Killofer semblent être ce qui se rapproche le plus de ce profil mais leur travail n’a aucun support réellement populaire ou médiatique (pourtant Killofer avait impressionné avec son Donjon). En fait, les artistes qui louchent vers cette école semblent être l’équipe de Lucha Libre, le collectif Café Salé voire même la bande d’Ankhama qui a d’ailleurs publié un livre autour de Juxtapoz. Mais dans tous ces cas, les dessinateurs ne semblent pas avoir des personnalités et un graphisme assez marquants pour donner une vraie visibilité à un école dite ”française”. En fait, je ne vois guère que les Kerascoët qui fassent tranquillement leur trou en publiant aussi bien de la BD que des illustrations pubs/mode. Il faudra que je leur pose la question…
Je propose Mattotti, qui est Parisien… Je ne sais pas si le Grand Miam va accepter ma réponse.
J’ai continué à ruminer là-dessus. Ce qui caractérise ces illustrateurs, ce sont les références constantes à une pop culture qui n’est pas assumée en France. Une pop culture graphique passerait par exemple par l’école franco-belge en BD et je ne connais personne qui fait ce travail. Ils ont tous les yeux rivés sur les USA ou le Japon. Mattoti de ce point de vue là est hors concours puisqu’il propose un travail plus lié à la peinture. Il est dans une tradition ”noble” de l’illustration.
Tout aussi timidement que Totoche (plus, même, car, nouveau commentateur, je n’ai pas son autorité ;-) ) je suggère le nom de Miss.Tic, dès lors que son travail, longtemps en dehors de tout système, a fait son apparition dans les pages de magazines et commence à être décliné sur différents supports… (ceci dit, ça ne fait pas encore grand’chose comme ”support populaire et médiatique”…)
En fait, après réflexion, je me dis que ce sont les auteurs Humanos des années 70/80 qui ont joué ce rôle. Moebius, Margerin, Ted Benoît etc… se sont retrouvés à travailler aussi bien pour de grands magazines que dans la BD, la pub ou des choses plus pointues.
Je note que tu en parles au passé. Et en effet, on aurait un peu de mal à trouver à l’itinéraire de ces auteurs ayant émergé dans les années 70 – 80 un équivalent exact dans les générations postérieures (sans doute parce que la presse BD n’offre plus la même voie royale pour accéder à la reconnaissance).
C’était en effet une époque où le graphisme BD était synonyme d’énergie et jeunesse voire même d’une certaine branchitude. De toute manière, la presse française n’a pas du tout le même rapport à l’illustration que celle des États Unis.
Pourtant il existe une vraie histoire-française‑,une école de l’illustration.On jurerait que la peinture les rejetant,la B.D. les rejetant,il ”n’existent pas”,plus du point de vue de la reconnaissance.Les courants semblent s’etre epuisés,cannibalisés par d’autres modes d’expression du support papier-dessin.
Une histoire très riche mais sans historien et sans livre somme. Elle est vaguement associée à l’argent, les figuratifs, bref des choses pas propres…
Dupuy et Berberian ?
Oui, ils rentrent dans la définition. Mais en développant un style très imité et justement ”passe partout” qui les rapprochent plutôt des studios de pub des années 50 aux USA. Un dessin dans l’air du temps.