Je n’ai jamais écrit d’article sur le travail de Frederik Peteers sur ce blog. Il faut dire que je ne savais pas quoi penser de son travail, notamment du point de vue graphique. Il y a un mélange de virtuosité et de séduction qui ne fonctionnait pas sur mon cerveau de malade grincheux. De la même manière, malgré les exhortations amicales de mes amis qui comparaient certains de ses travaux à ceux de Moebius, je ne suis jamais rentré dans son univers pourtant très orienté SF. En fait, seul son travail sur RG m’avait excité. J’avais trouvé son approche de la représentation du monde contemporain très intéressante, moi qui suis incapable de dessiner une voiture correctement.
La sortie de Saccage ne m’a donc pas particulièrement interpellée et je crois que je ne l’ai même pas ouvert lors de mon premier passage en librairie, ce qui est très rare de ma part. Quelle erreur.
Édité avec grand soin par Atrabile, Saccage est une suite d’illustrations muettes et en couleurs où l’on voit évoluer un personnage récurrent (et jaune) dans un monde en proie à des convulsions violentes. Peeters réalise dans une ligne claire très maîtrisée une suite d’images étonnantes aux couleurs magnifiques. Le concept m’a rappelé 40 days dans le désert B de Moebius (qui vient d’ailleurs d’être réédité si ça vous intéresse) dans le même type de format et d’approche narrative où le lecteur est invité à se créer sa propre histoire, bombardé d’images étonnantes et inattendues.
La différence se fait au niveau du « contenu » : il est évident que Peeters fait passer un message écologique en décrivant un monde ravagé par l’homme, malade de pollution, de violence et d’exploitation. Sur certaines images, le message m’a paru trop évident, réduisant quelques peu la beauté intrinsèque du graphisme et de la poésie qui s’en dégage. Mais je pense que mes réticences vont à l’exact opposé de ce qui va plaire à la plupart des lecteurs de ce qui est à mon avis une vraie claque visuelle pour l’année 2019.
Très impressionnant.De plus en plus ”maîtrisé”,mais terriblement libre,évoluant sans cesse.Et ici,je crois,planant sur un exercice de style(pour le fond et la forme).
Il se peut qu’il ait pris une autre envergure avec ce projet.
Je pense que, plutôt qu’inviter à une lecture du genre ”ceci est un message à caractère écologique, merci de votre attention”, l’album pose plutôt une question-piège (du genre de celle qui fait disjoncter les robots dans le film Eva (si vous l’avez vu): ”qu’est-ce que tu vois quand tu fermes les yeux?”): dans ce cas, ce serait ”qu’est-ce qui, dans ce que vous croyez avoir vu, est réellement sur la page, et qu’est-ce qui est dans votre tête?”.
Un peu comme dans la version alternative (celle avec texte indéchiffrable) du Xed de Charles Burns – ou comme dans 40 days dans le désert B, en effet.
Moi je vois bien ce qu’il y a sur la feuille :-)
C’est l’avantage d’avoir le regard d’un professionnel.
Ou alors être borné comme un âne.